C’est à Virginie Fortin, toute de noir vêtue, que revenait l’honneur d’ouvrir le bal la semaine dernière lors de la deuxième représentation de ce programme double présenté dans une salle de danse transformée en cabaret. Après une imitation bien envoyée de sa très loquace camarade de scène, la grande gagnante de la plus récente édition de l’émission En route vers mon premier gala Juste pour rire reviendra rapidement à son ton posé/désabusé habituel pour enfiler les observations, préconisant une implacable formule une ligne/un punch. En consacrant rarement plus que deux ou trois blagues à un sujet précis, la jeune humoriste désobéit à la dictature du vécu qui réduit en esclavage bien des stand-up d’ici, une transgression en soi rafraîchissante. Ce style largement aphoristique distingue de la compétition ce spécimen unique dans l’écosystème humoristique québécois, sorte de fille illégitime de Sol et d’Amy Schumer (désolé pour l’image étrange).

Intelligente, mais pas intello, Virginie Fortin peut autant retourner comme un gant certaines idées reçues qu’en pousser une plus salée avant de foudroyer de sa verve cinglante le politiquement correct (sa tirade sur les personnages âgés aurait de quoi alarmer les représentants de la FADOQ). Si certaines de ses blagues tombaient à plat lors de cette soirée baptisée Mazza/Fortin: Chacun son show!, c’est sans doute que la majorité du public s’était déjà esclaffée en les entendant pour la première fois lors d’un des ses apparitions télévisées. En résumé, vive Viriginie Fortin, nouvelle princesse du deadpan et très-très-très prometteuse recrue de l’humour québécois.

Préconisant un style de stand-up plus convenu que sa collègue, Mariana Mazza tire aussi très bien son épingle du jeu. Véritable moulin à paroles, la frisée au teint basané fait mouche surtout grâce à la folle énergie qui propulse sa performance. Ne reculant devant rien, la fille d’immigrants libanais et uruguayen n’hésite pas à se présenter sous un mauvais jour et à flirter avec les tabous (son numéro sur l’alcool au volant), sans jamais que le spectre du malaise ne plane (ce qui en dit long sur l’adhésion du public, qu’elle met d’emblée dans sa petite poche arrière). Si ses quelques blagues à saveur ethnique ont un air de déjà vu, elles ont au moins le mérite de réellement mordre, contrairement à celles de certaines vedettes du rire consensuel davantage applaudies pour leurs stepettes que pour la causticité de leurs réparties comiques.

Les deux dernières représentations de Mazza/Fortin: Chacun son show! ont lieu les 23 et 24 juillet à 19 h à l’Espace des Arts.