Festival d'Avignon 2013 : Philippe Ducros, le digne représentant québécois
Scène

Festival d’Avignon 2013 : Philippe Ducros, le digne représentant québécois

Si l’on exclut la modeste conférence que donnait Wajdi Mouawad en toute fin de festival, l’auteur et metteur en scène Philippe Ducros est le seul (et non le moindre) représentant québécois au Festival d’Avignon, avec son déambulatoire photographique et théâtral La porte du non-retour. Il a séduit les festivaliers.

Le bouleversant parcours photographique inspiré de ses pélégrinations au Togo, en Éthiopie et en République démocratique du Congo a été précédé d’une rumeur favorable et fut généralement bien reçu, notamment par les critiques de France Inter qui en ont souligné la rigueur de pensée et le ton jamais pathétique (notamment lors de cet épisode du Masque et la plume, à la toute fin). Ducros n’a toutefois pas joui d’une très vaste couverture médiatique. À l’exception d’une entrevue avec Télérama et des quelques mentions radiophoniques évoquées ci-haut, le déambulatoire n’a fait l’objet que de quelques critiques sur la blogosphère et a été accueilli discrètement par la presse. Il faut dire que La porte du non-retour avait déjà été vu en France, notamment aux Francophonies en Limousin et à Paris. 

J’ai néanmoins discuté avec de nombreux artistes et spectateurs qui ont rangé ce parcours photographique dans la colonne des bonnes nouvelles. «Jamais moralisateur», m’a dit une spectatrice avec qui j’ai discuté après un débat public auquel je participais. «Il évite à merveille le piège du néocolonialisme», m’a dit un jeune metteur en scène, qui faisait par là référence à une tendance de plus en plus forte dans le milieu théâtral français, dont la bienveillance envers l’Afrique pourrait cacher des intentions plus maléfiques qu’elles en ont l’air. «Il témoigne de son vécu africain avec intelligence mais surtout avec une émotion qui m’a bouleversée», m’a dit une comédienne tombée sous le charme des mots de Ducros.

Je suis bien d’accord avec eux. Ce travail que j’ai vu pour la première fois à la Maison de la culture Frontenac en 2011 m’avait également interpellé par son regard perçant sur l’Afrique et son ton jamais sentencieux (il faut bien avouer que ce danger est difficile à éviter avec un tel sujet). Sachant éveiller l’empathie du spectateur, Ducros ne bascule jamais dans les bons sentiments et, fidèle à lui-même, il met en relief de manière nuancée et personnelle les enjeux politiques qui déchirent ces pays africains, qu’il a observés d’un oeil bienveillant mais lucide.

Croisé au bar du festival aux premiers jours de juillet, le principal intéressé semblait très heureux des premières réactions avignonnaises et confiant du succès à venir. Son sourire était empreint de soulagement: pour différentes raisons l’exposition a été ardue à installer dans les locaux de l’École d’Art et a dû être ouverte une journée plus tard que prévu. 

Mais, à deux jours de la fin du festival, on peut dire tout est bien qui finit bien.