Zone Homa : Spin ou le principe d'incertitude
Scène

Zone Homa : Spin ou le principe d’incertitude

Dans Spin, une galerie de personnages imaginée par Félix Monette-Dubeau se trouve désorientée, aliénée par des vies à la fois trop chargées et trop vides.

C’était ma première soirée à Zone Homa cet été. Convivialité, découverte et expérimentation sont les mots d’ordre de l’événement, qui avait des airs de Festival du Jamais Lu en cette journée tempérée de fin juillet alors que six comédiens s’alignaient devant leurs lutrins pour lire la première pièce de Félix Monette-Dubeau.

"To spin", c’est tourner sur soi-même, ou pédaler dans le vide. Le "spin", c’est aussi, en physique quantique, le principe d’incertitude. Ainsi, les personnages de la pièce planent dans un vide inquiétant, et paradoxalement dans un univers empêtré, où la surconsommation et l’obsession de la technologie prennent toute la place.

Ils sont dans la file d’attente d’un grand magasin, à quelques heures de la mise en vente du nouveau gagdet technologique à la mode. C’est là, dans cette proximité, dans ce mélange de cohabitation festive et de tensions potentiellement explosives, qu’ils vont vivre une longue attente culminant dans une sorte de transe et finalement dans une catastrophe.

C’est un texte en chantier, que je m’abstiens donc de considérer comme un objet fini en attente d’un jugement, mais duquel je vous dirai qu’il ratisse très large et qu’il risque de nous perdre en route. À travers la relation mi-miel mi-venin d’un jeune couple désassorti, l’auteur semble vouloir questionner les certitudes qui s’installent avec le temps dans une relation de couple. En croisant leurs voix avec celles de deux jeunes geeks qui ne vivent que pour assouvir leur technophilie, il met en doute le trop-plein de virtuel dans nos vies connectées. Une journaliste télé affectée à l’événement va révéler chez la plupart de ces personnages une certaine solitude, miroir de la sienne. Le commis du magasin, interrogé par cette même journaliste des semaines plus tard, agit comme observateur externe et témoigne des dérives du consumérisme en racontant l’épisode tragique final. En parallèle, un cycliste philosophe raconte le vide de l’existence pendant que, dans la file, son amoureuse inavouée pense à lui et à ses muscles saillants. Amours usées ou amours naissantes, aucune relation ne semble possible sans qu’elle ne soit parasitée par le doute et la confusion.

Félix Monette-Dubeau cherche à témoigner de vies incertaines de ses personnages par l’entremise d’un certain multiperspectivisme, en posant sa loupe sur les uns et les autres dans un même mouvement. Mais le mal qui les ronge finit par nous échapper. Technophilie aiguë? Soumission aveugle au consumérisme? Absence d’amour? Impossible sentiment de communion avec l’autre?  Écueils de la cohabitation? Un peu tout cela, mais rien de bien approfondi, et, surtout, l’ajout de différentes temporalités ne fait que brouiller les cartes, qu’alourdir l’intrigue et le propos (notamment lors du dialogue de la journaliste et du commis dans un studio de télé des semaines après les événements, ou lors des monologues du cycliste, campés dans un temps suspendu).

Néanmoins, le potentiel dramatique de chaque personnage est palpable, l’écriture est énergique (bien qu’inutilement bavarde par moments) et le regard inquiet sur le monde contemporain est fécond, même s’il gagnerait à être mieux canalisé.