Festival d'Avignon 2013 : L'année des au revoir
Scène

Festival d’Avignon 2013 : L’année des au revoir

En juillet, tout amateur de théâtre qui se respecte doit passer par le Festival d’Avignon, grande messe du théâtre contemporain européen et occidental, où se croisent les plus grands metteurs en scène du moment. Voir y était. 

Avignon est toujours événementiel, mais l’édition actuelle a été incontournable pour de nombreuses raisons, à commencer par les au revoir: c’est la dernière année à bord des directeurs artistiques Hortense Archambault et Vincent Beaudrilliers, qui dirigent le festival depuis 2003 en y insufflant une bonne dose de risque, un parti-pris pour l’interdisciplinarité et pour un théâtre dit «visuel», alors qu’en France de nombreuses voix continuent de réclamer le retour à une tradition de théâtre textocentriste sur la grande et prestigieuse scène de la Cour d’honneur du Palais des papes. Avec leurs artistes associés (cette année Stanislas Nordey et Dieudonné Niangouna), le très pertinent duo a contribué à réaffirmer la position de défricheur du Festival d’Avignon et à en faire le lieu d’accueil privilégié des créations des metteurs en scène les plus avant-gardistes, tout en continuant à ouvrir le festival sur le monde (notamment l’Afrique, qui était en vedette cette année). 

Un nouveau metteur en scène à aduler

L’Allemand Nicolas Stemann, nouveau pape de la mise en scène européenne, présentait Faust I + II, une pièce ambitieuse et démesurée d’une durée de 8 heures et mettant en scène en accéléré l’intégralité de l’ouvrage de Goethe, qui a créé l’événement. L’esthétique de Nicolas Stemann repose sur une reconfiguration du texte à la manière d’un fil continu, lequel circule dans les voix des acteurs sans toujours s’embarrasser de la notion de personnage, à la manière d’un matériau textuel en circulation libre. Il excelle aussi à orchestrer sur le plateau une orgie d’images apocalyptiques, puisque le monde tel que l’anticipait Goethe est constamment menacé par un déclin inévitable, déclin qui le constitue de manière intrinsèque. 

Le retour des grands maîtres

Un retour attendu: celui de Krysztof Warlikowski, metteur en scène polonais de renom, dont le Kabaret Warszawski est une production érudite, au rythme éthéré et aux fortes images cinématographiques, dans une esthétique à mi-chemin entre le cabaret, la performance et les emprunts aux procédés cinématographiques. La pièce explore entre autres la manière dont la sexualité réagit aux bouleversements sociaux. La plus récente pièce du Flamand Jan Lauwers, Place du Marché 76, met notamment en scène le comédien québécois Emmanuel Schwartz, mais se perd dans une narrativité confuse et aléatoire, même si Lauwers excelle toujours, par son esthétique foutraque, à explorer les tensions qui animent nécessairement un groupe restreint de personnes dans un lieu isolé. 

Des découvertes

Les nouveaux visages s’étant le plus illustrés sont de jeunes Français: les festivaliers se sont emballés en début de parcours pour l’adaptation réussie et rythmée des Particules élémentaires de Michel Houellebecq par Julien Gosselin. Mais plus brillante encore était Germinal, une courte pièce d’Antoine Defoort et Halory Goerger, artistes inclassables qui réinventent le monde avec une console d’éclairage et beaucoup d’intelligence, mais surtout avec un humour décalé et déconcertant.

À signaler également: les spectacles de Christoph Marthaler (le plus grand réinventeur du burlesque) et de l’explosive Angelica Liddell ou du politisé metteur en scène suisse Milo Rau. Au rang des déceptions: Rausch, de Falk Richter et Anouk Van Dijk, Voyage à travers la nuit, de la pourtant prodigieuse Katie Mitchell et Partita, des pourtant virtuoses Boris Charmatz et Anne Teresa De Keersmaeker. Mais surtout, l’exploration des formes théâtrales africaines n’aura pas été concluante en ce qui me concerne, à commencer par Shéda, de Dieudonné Niangouna, un foutoir incohérent et incontrôlé. Bien essayé, tout de même.

Une discrète présence québécoise

Si l’on exclut la modeste conférence que donnait Wajdi Mouawad en toute fin de festival, l’auteur et metteur en scène Philippe Ducros est le seul (et non le moindre) représentant québécois du festival IN, avec son déambulatoire photographique et théâtral La porte du non-retour. Le bouleversant parcours photographique inspiré de ses pérégrinations au Togo, en Éthiopie et en République démocratique du Congo a été précédé d’une rumeur favorable et fut généralement bien reçu, notamment par les critiques de France Inter qui en ont souligné la rigueur de pensée et le ton jamais pathétique. Autrement, le Québec était présent sur quelques scènes du OFF: Claude Poissant et Patrice Dubois, du Théâtre PAP, ont été invités par le collectif La Manufacture à présenter des lectures publiques de récents textes contemporains québécois. À L’Atelier 44, le Théâtre de la Trotteuse, constitué de finissants de l’École nationale de théâtre, présentait Histoires de lunes, un spectacle de contes urbains que mon horaire serré ne m’a hélas pas permis d’attraper. Ainsi va la vie de festivalier.

Le 67e festival d’Avignon avait lieu du 6 au 26 juillet.