Adib Alkhalidey : Aimez-vous les uns les autres
Scène

Adib Alkhalidey : Aimez-vous les uns les autres

L’humoriste Adib Alkhalidey nous aime. Et c’est réciproque.

Il a les cheveux d’Oprah Winfrey et la carrure de Justin Bieber. Il s’appelle Adib Alkhalidey, arbore un t-shirt frappé d’un cœur et professe un message d’amour tout simple, qui tient en deux mots: Je t’aime. C’est aussi le titre de son premier solo, qu’il «rodait» le week-end dernier au Vieux Clocher de Magog. La mise en scène est signée Martin Matte, indique l’affiche, mais la recrue n’a rien d’un fils spirituel de l’homme à l’égo stratosphérique.

Adib entre en scène au son de Beau comme s’aime de Yann Perreau, un choix musical à entendre comme une déclaration de principes: le jeune humoriste veut répandre l’amour par le LOL et insiste pour que tous les types de rires, même les plus irritants, résonnent pendant son spectacle («Si tu ris comme un dauphin qu’on assassine, c’est OK»). Les occasions de rire en groupe une fois l’âge adulte atteint se font rarissimes, regrette-il. Les présentations d’usage se résumeront à quelques rapides blagues de bon aloi sur sa coupe de cheveux («une absence de coupe», précise-t-il). Alkhalidey ne reviendra donc pas, comme lors d’une de ses premières participations à un gala Juste pour rire, sur ses origines irako-marocaines. Un choix bien avisé, qui lui évitera d’être mis dans le même panier que Rachid Badouri et Eddy King, avec qui il n’a de toute façon rien en commun.

Raconter ses premiers petits boulots tient presque désormais de la figure obligée pour l’humoriste qui présente son premier one man show (à croire qu’il s’agit d’un exercice de l’École nationale de l’humour), un devoir dont la Découverte de l’année du plus récent Gala Les Olivier s’acquitte avec inventivité, sans être absorbé par le trou noir du cliché, en se remémorant comment il a beaucoup, beaucoup, beaucoup lavé les toilettes des succursales de restauration rapide qui l’ont embauché. Le vingtenaire au sourire gamin se rappellera aussi la déception qui l’a frappé lorsqu’il a appris comment les beignes sont fabriqués, numéro en apparence léger que l’on pourra lire comme une métaphore des plus graves désillusions qui accompagnent le passage à l’âge adulte, un des thèmes centraux du spectacle. Adib se désole en filigrane de la manière qu’a le capitalisme de conditionner les rapports sociaux et de la lente déshumanisation à laquelle les Tim Hortons et autres PFK soumettent leurs employés. Une critique subtile, qui ne prend jamais le pas sur le rire.

Alkhalidey, c’est sa grande force, parvient à insuffler à des sujets usés à la corde comme la rage au volant ou les injures sur les réseaux sociaux une nouvelle vie en pointant non seulement leurs manifestations extérieures, mais en mettant aussi en lumière les raisons profondes qui les sous-tendent. C’est en fait les racines du mal avec un petit m (le mal de tous les jours) que le comique tente de déterrer en se demandant, par exemple, comment des enfants de 5 ans peuvent s’asséner des insultes aussi violentes que «tapette» (son récit de la «récréation la plus ambiguë de l’histoire») ou pourquoi certains jeunes hommes en viennent aux poings dans les bars. Bien qu’il ne se livre pas à une dénonciation en règle de l’homophobie, de la misogynie ou de l’intolérance, l’humoriste prononce avec Je t’aime un vibrant plaidoyer pour l’acceptation, en n’ayant pourtant jamais l’air d’un donneur de leçon ou d’un jovialiste. Stand-up classique (sa présence physique est énergique, sans plus), Adib fait jaillir le rire grâce à son vocabulaire flamboyant, à ses expressions enfantines («faire le sexe» plutôt que «faire l’amour») et son flow (pour emprunter au dictionnaire hip-hop) très rapide.

Jean-Pierre Ferland disait que les chansons d’amour sont les chansons les plus engagées. Si l’analyse vaut aussi pour les spectacles d’humour, Adib Alkhalidey compte indéniablement parmi les humoristes québécois les plus engagés. Et contrairement à certains de ses collègues qui revendiquent l’étiquette avec ardeur, il a, lui, le mérite d’être véritablement pissant.

/

Adib Alkhalidey est de retour au Vieux Clocher de Magog les 9 et 10 août à 20h30 ainsi que les 15 et 16 novembre.

Il montera sur la scène de la salle Albert-Rousseau à Québec le 20 novembre et sur celle du Théâtre Saint-Denis de Montréal le 27 novembre.

adibalkhalidey.com