Théâtre d’été à St-Jean-de-Matha : Danse, crie, aime! ou le triomphe de la psycho-pop
Le Théâtre H20 met en scène des gourous de tous genres dans Danse, crie, aime!, une comédie de Jonathan Salvas et Jonathan Charbonneau à l’affiche du Théâtre du golf de St-Jean-de-Matha.
De quoi parlent généralement les comédies estivales? De relations de couple, de triangles amoureux, d’adultère, d’amitiés en péril, de familles à la dérive et ainsi de suite. Des sujets éculés, mais quand le seul critère de sélection des directeurs artistiques est le rire, la pirouette, le sens de la formule, la légèreté et l’abondance de gags physiques, le récit et le propos n’ont pas beaucoup d’importance.
Des pirouettes, des personnages hyper-caricaturaux et des quiproquos, la pièce Danse, crie, aime n’en manque pas. Rien de neuf sous le soleil. Mais la comédie de Jonathan Salvas et Jonathan Charbonneau a le mérite de débroussailler un nouveau thème, un sujet qui n’a pas encore été surexploité en comédie: la psycho-pop et l’obsession des théories du développement personnel. Si, au cinéma, des films comme I heart Huckabees ont brillamment rigolé de cet univers si naïvement optimiste, le théâtre comique ne s’y est pas encore beaucoup risqué. Signe des temps, et sans doute d’un trait de caractère québécois, le Montréalais Mathieu Gosselin signait il y a quelques années Mélodie dépanneur, une rigolote comédie musicale sur la spiritualité de pacotille d’une galerie de personnages évoluant autour d’un dépanneur chinois. Mais le sujet est loin d’avoir été épuisé et la troupe du Théâtre H20 s’en donne à cœur joie.
Incapable de décider si elle doit «placer» son vieux père dans une résidence pour aînés et dévorée par une culpabilité mal-assumée, Chloé (Marie-Daniel Lussier) se lance avec son copain Sam (Maxime Laurin) dans une série d’ateliers et d’exercices de croissance personnelle offerts par ladite résidence. Un magnifique prétexte pour faire se succéder sur scène une armée de gourous en tous genres (tous follement interprétés par Geneviève Côté, Maxime Desjardins et Jonathan Charbonneau). De Johanne, la préposée aux ateliers de cris primitifs, jusqu’à Joe, le prof de «danse intuitive», en passant par Pierre Desroches, le très aérien propriétaire de la résidence, le portrait est complet. Toutes ces personnalités-limite et ces personnages clichés forment pourtant un groupe presque crédible et permettent de rire un peu de l’excès de psychologie-bonbon dans lequel notre société est inondé. Et ce, avec beaucoup de rythme, par l’entremise de personnages excessifs mais attachants et finement composés.
Le théâtre, dans ses formes les plus réalistes et les plus téléromanesques, utilise la psychologie comme un outil dramatique pour explorer la profondeur de l’âme humaine. Ici, cette tendance est renversée alors que la psychologie devient un objet de dérision et que ceux qui s’en disent experts sont à première vue des personnages dénués de profondeur. Ça fait un bien fou de rigoler de tout ça et de s’amuser du narcissisme ambiant, qui conduit trop souvent à des introspections maladives.
Ceci dit, les psycho-sceptiques tels que moi auraient préféré que cette pièce demeure critique jusqu’à la fin et que la psycho-pop n’y soit pas triomphante. Mais ce n’est visiblement pas la posture adoptée par ce duo d’auteurs: la pièce finit par donner raison à toutes ces mascarades de développement de soi, tout en continuant de s’en amuser. Comme dans toute pièce légère, il fallait un happy-ending. Ce sont les millions de lecteur du Secret qui vont être contents. Et tant pis pour les pessimistes rabat-joie de ce monde.
Danse, crie, aime! est à l’affiche du Théâtre du Golf de St-Jean-de-Matha jusqu’au 24 août.