Festival de magie de Québec / Mathieu Bich : La magie à l’heure du 2.0
De passage pour le Festival de magie de Québec, le magicien français Mathieu Bich nous révèle un peu des arcanes de son art: pratiquer à l’heure du 2.0.
Vous le connaissiez, vous, Mathieu Bich? Chaque année s’organise à Stockholm le Championnat du monde de magie; il l’a remporté en 2006. Il a décroché les honneurs avec un numéro appelé Spreadwave, qu’il a aussi présenté au show télévisé de Penn & Teller, en Grande-Bretagne, dans une vidéo devenue virale où, d’assez belle façon, il montrait à deux juges trop sûrs d’eux-mêmes à quel point ils n’avaient rien compris à ce qui venait de se dérouler devant eux. Vous irez voir ça, sur YouTube.
Il en a été question, de YouTube, d’ailleurs, et des médias en général qui remettent son art à l’avant-plan. «Oui. La magie n’a jamais été aussi à la mode qu’actuellement. Il y a un renouveau de la magie parce qu’on en voit de plus en plus. Dans les films et à la télé, elle commence à récupérer une certaine image de cool, plutôt qu’un peu has been.»
En 15 ans de pratique, le Parisien a vu le changement; dans les dernières années, notamment, avec les moyens de partage qui se sont multipliés. «C’est clair que grâce à Internet, aujourd’hui, y a un marché de la magie pour les amateurs. Il faut savoir que 50 ou 100 nouveaux tours sortent chaque mois. Y’a pas de pression à créer, donc, mais y’a une demande.»
Le Web et les nouvelles technologies ont toutefois aussi amené leur lot de complications, ce qui est vrai dans plusieurs sphères professionnelles. Parlez-en aux photographes, qui ont vu tout un chacun, téléphone en poche, devenir du même coup photographe en puissance. Ou aux journalistes, tiens, qui ont vu se multiplier les plateformes d’expression. La magie s’en tire-t-elle mieux?
«Non, elle est complètement touchée par ça. C’est même très embêtant», admet Mathieu Bich. Il y a les tours de magie expliqués sur le Net, par exemple, mais il y a plus grave. «Chez vous, c’est différent. Vous avez Luc Langevin; les gens savent ce qu’est la magie. Mais en France, y’a pas trop de stars et la magie se résume pour certains à l’oncle qui leur faisait un tour lorsqu’ils avaient six ans. Il y a un manque de connaissance des spectateurs. Ce n’est pas leur faute, c’est juste qu’ils ne savent pas, et ne peuvent donc pas faire la différence entre un très amateur qui pratique la fin de semaine et un professionnel qui fait ça 15 heures par jour.»
Car la magie est affaire de nuances, ce qui est particulièrement vrai dans le cas de Mathieu Bich. Des tours, il en connaît 1000 ou 2000, et il est reconnu pour sa finesse et son inventivité, qu’il a mises au profit d’autres magiciens ou de compagnies de jeux vidéo.
Mais encore faut-il goûter cette nuance. Et c’est là le hic, qui touche la magie autant que d’autres arts: ce sont les bonnes bouches, de tout temps, qui ont donné sa valeur au vin. «Le tour de magie est basé sur un trucage, et le spectateur qui n’a aucune connaissance, aucune base, ne verra pas la différence entre un amateur et un professionnel qui a 30 ans de métier. Du coup, avec ce nouveau portrait, y’a effectivement une dévaluation.»