Félix-Antoine Boutin : Le sacre du printemps, ou le rite réinventé
Scène

Félix-Antoine Boutin : Le sacre du printemps, ou le rite réinventé

À l’affiche du Festival de théâtre de rue de Lachine et de l’événement Zone Homa, Le sacre du printemps (tout ce que je contiens) est une exploration festive du passage à l’âge adulte, dans une relecture très libre de l’oeuvre centenaire de Stravinsky. Un spectacle de ruelle pour 20 acteurs!

Depuis sa sortie de l’École nationale de théâtre, Félix-Antoine Boutin n’a pas chômé. Le Sacre du printemps est déjà son troisième spectacle, après une pièce intimiste de théâtre de chambre présentée dans son appartement et après le laboratoire Koala(s) dans le cadre du OFFTA 2013. Intéressé par les enjeux de l’intimité mais aussi par la quête d’appartenance à une collectivité, il a trouvé le territoire le plus fertile pour explorer les tensions entre ces deux pôles de l’expérience humaine: le rite de passage. Appuyé sur une expérience initiatique et sur une transformation profonde de soi, le rite se vit en présence du groupe et sous l’influence d’une forte pression sociale. C’est cette dualité entre l’intime et le collectif que Le sacre du printemps (tout ce que je contiens) tente d’exposer dans ce que Boutin appelle une «installation vivante», où il travaille à une sorte d’«artisanat théâtral».

«On a voulu réinventer Stravinsky en repartant à zéro, explique-t-il. On a gardé la structure du ballet et on l’a rempli de nos propres inventions; ce sont les mêmes tableaux avec un contenu qui nous est propre. En gros, on a gardé les titres des tableaux et on s’inspire du mouvement général de l’oeuvre, mais on prend toutes les libertés.»

Résultat? Une exploration de la notion de sacrifice à travers les expériences d’une série de personnages qui abandonnent une partie d’eux mêmes en quittant l’enfance pour se conformer aux convenances du monde social. Exit le sacrifice de la jeune danseuse imaginée par Stravinsky. Le voici plutôt démultiplié dans les corps d’une vingtaine de comédiens.

«Notre réflexion sur les rites de passage s’appuie sur le visionnement d’une tonne de documentaires, des films de la BBC ou de National Geographic, qui explorent les rituels de passage un peu partout dans le monde. On ne cherche pas à donner de réponses ou à prendre position par rapport à ça, mais on tente de représenter les enjeux autour du rituel, de comprendre l’énergie, l’état d’esprit qui le meut, ainsi que les dangers qu’ils comportent. On tente de reproduire certains codes récurrents de tous ces rites.»

L’exercice a évidemment mené la troupe de Boutin à réfléchir à la mort et ses rites, mais le spectacle s’intéresse à cette ultime étape de manière festive. «On s’inspire notamment de la tradition mexicaine, où les morts ne sont pas pleurés comme ici. C’est un spectacle qui fête la mort, ou l’abandon d’une parcelle de son identité, en s’interdisant toute forme d’apitoiement. Il y a une constante dans la plupart des rituels de passage que nous avons étudiés, c’est le caractère festif – la joie de devenir quelqu’un. Paradoxalement, ça se passe souvent dans la souffrance: il s’agit partir seul dans la jungle, de maltraiter son corps, de revenir ensanglanté parmi les siens mais heureux de passer à l’autre étape.»

Heureux, aussi, d’avoir vécu le passage entouré de sa communauté. Sans vouloir être moralisateur, Félix-Antoine Boutin s’intéresse à la disparition des rites dans notre société et à la disparition de la notion de communauté. «Lorsqu’on a joué le spectacle au Quartier des spectacles, on a arrêté la circulation sur St-Urbain. Tout à coup le collectif reprenait le dessus sur les actions individuelles de chacun et c’était franchement intéressant, saisissant, signifiant.»

La performance-installation, dont l’action s’articule autour d’un bac à sable, est portée par un travail symbolique autour des objets. «Mon imaginaire s’exprime naturellement dans une certaine plasticité, dit Félix-Antoine Boutin. Je suis un artiste visuel qui fait du théâtre. Pour moi, le rapport à l’objet est très important, et dans ce cas-ci l’idée du rituel ou du sacré passe beaucoup par l’utilisation d’objets qui prennent une valeur symbolique. Ce sont aussi les outils autour du sacrifié qui se transforment et lui serviront différemmment dans sa nouvelle vie adulte.»

Un spectacle bricolé en direct par les acteurs et offert aux passants dans un effort de renouer avec le collectif.

Au Festival de théâtre de rue de Lachine les 16 et 17 août à 20h15 et 23h

À Zone Homa le 24 août à 19h, en programme double avec In Vitraux