Vague de Cirque : Nouvelle vague

Dans la roulotte à bord de laquelle elle trimballe sa marmaille depuis le début de l’été, Noémie Gervais prépare du café pendant que le dernier venu, Marius, gazouille et agite ses petits bras, bien confortable dans son lit. Dehors, ses deux frères aînés se roulent dans l’herbe du parc du Domaine Howard et zizaguent entre les membres de la troupe qui montent le chapiteau jaune sous lequel Vague de Cirque présentait la semaine dernière Carrousel et corde à linge. Le chum de Noémie et co-fondateur de la compagnie, Alain Boudreau, fait son entrée dans la roulotte. Les mains noircies par le dur labeur, cette souriante armoire à glace s’offre une petite pause bien méritée. «C’est lui qui a passé quinze ans à me lancer dans les airs», blague Noémie en faisant les présentations.  

Pendant quinze ans, Alain a donc, oui, lancé sa blonde dans les airs sur les scènes de la planète entière, rejouant soir après soir un impressionnant numéro de main à main pour le compte de nombreuses compagnies, dont le Cirque Éloize (que Boudreau a cofondé). De siège d’avion en chambre d’hôtel, le blues du pays finirait par tarauder les deux artistes qui, une fois leur premier enfant né, ne s’imaginaient pas reprendre le collier. Du moins, pas de la même manière. «J’avais fait ma valise à 17 ans, se rappelle Noémie, et je ne l’ai pas défait pendant ses quinze années là.» En 2009 naissait ainsi aux Îles-de-la-Madeleine Vague de Cirque, sous ce chapiteau jaune érigé près de la mer. Le couple reprendrait bientôt la route, en camion plutôt qu’en avion cette fois-ci. (Notons cependant que Carrousel et corde à linge sera pour une rare occasion présenté sur scène à la Place Nikitotek la semaine prochaine.)

Faire du défrichage

Grâce à l’École nationale de cirque et au Cirque du Soleil, le Québec compte aujourd’hui parmi les plus importants tremplins pour les jeunes artistes de cirque. Paradoxalement, peu de spectacles sont présentés à l’extérieur de la région de Montréal, une situation à laquelle Vague de Cirque tente de remédier en plantant son chapiteau au cœur de villes où seuls les piteux éléphants du Cirque des Shriners faisaient jusqu’ici halte. Depuis le début de l’été, Goose Bay (Terre-Neuve), Labrador City, Blainville, Repentigny, Québec et Dieppe (Nouveau-Brunswick) ont reçu la visite de la joyeuse caravane. «Pendant nos années de tournée dans le monde, je pense que ma famille ne m’a vu jouer qu’une ou deux fois, regrette Noémie. C’était une priorité pour nous de créer des spectacles abordables et d’aller voir les gens partout où ils sont.»

«On fait vraiment du défrichage», renchérit Alain en évoquant un récent trajet Baie-Comeau-Fermont particulièrement cahoteux. «Monter le chapiteau et faire de la route, c’est très fatigant. C’est la différence principale entre notre vie d’avant où on ne faisait que notre numéro et notre vie actuelle. Mais les artistes qui collaborent avec nous aiment beaucoup être impliqués dans tous les aspects d’un spectacle, la création, le montage, etc.»

Cette vie de caravane n’est pas sans rappeler l’univers forain dont s’est inspiré Vague de Cirque pour créer Caroussel et corde à linge. Exit donc les numéros poético-sensuels issus de la danse contemporaine qui appesantissent les spectacles de plusieurs compagnies québécoises. Présenté dans un esprit cabaret, cette quatrième création de la madelinienne bande préconise un cirque de proximité, où l’autodérision et l’humour ont le dessus sur l’onirisme bon marché que le Cirque du Soleil a imposé comme norme. «On est beaucoup dans la déconnade, rigole Noémie. La vie en communauté alimente le spectacle. On fait toujours des barbecues en gang et quand les artistes prennent un verre ou deux, les idées et les anecdotes fusent toujours. On en profite.»

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Carroussel et Corde à linge est présenté sur la scène de la Place Nikitotek du 20 au 23 août à 19h.