Scène

Jean Cocteau: «Je ne suis pas un désintoxiqué fier de son effort.»

Poète, écrivain, peintre, illustrateur, Jean Cocteau (1889 – 1963) se trouve dès ses premières créations au centre de l’intelligentsia artistique de son temps. Déjà dans la vingtaine, il côtoie Modigliani, Apollinaire ou Stravinski et se taille une réputation au sein des salons littéraires en vogue à l’époque. De ses diverses collaborations avec les maîtres de son temps naît, entre autres, le fameux ballet Parade, en 1917, qu’il crée en compagnie de Satie qui compose la musique et de Picasso qui en invente les costumes et les décors. Dès la première représentation, l’œuvre fera scandale. Le public déconcerté n’y comprenant rien, le tout vire à la foire d’empoigne. Quoi qu’il en soit, ce serait cette œuvre qui aurait inspiré à Apollinaire un mot nouveau qui allait marquer le 20e siècle: surréalisme.

En 1923, la mort de Raymond Radiguet, jeune écrivain que Cocteau avait pris sous son aile à la manière d’un mentor en 1918, le plonge dans un immense vague à l’âme qui se traduira par une consommation excessive d’opium.

En décembre 1928, il entre à la clinique de Saint-Cloud pour se désintoxiquer définitivement. Il y restera jusqu’en avril 1929. C’est à l’occasion de ce séjour qu’il écrira en quelques jours une de ses œuvres maîtresses, Les enfants terribles, ainsi qu’un journal témoignant de son expérience de sevrage, Opium. Plus qu’un simple suivi quotidien de ses états d’âme, l’œuvre, intime et méditative, se présente un peu comme un recueil de pensées en prose, parfois accompagnées d’illustrations. «N’attendez pas de moi que je trahisse, écrit-il. Naturellement, l’opium reste unique et son euphorie supérieure à celle de la santé. Je lui dois mes heures parfaites. Il est dommage qu’au lieu de perfectionner la désintoxication, la médecine n’essaie pas de rendre l’opium inoffensif.»

C’est à travers ce recueil qu’on arrive à comprendre la relation intime, presque mystique, que Cocteau entretenait avec le psychotrope. Jamais il n’apparaît comme une victime et on n’y trouve aucune complainte sur la souffrance du manque. Replié dans ses pensées, Cocteau a produit de courts textes qui forment le récit d’une expérience initiatique où s’entremêlent souvenirs, solitude et une vision radicalement esthétique du monde. (S. J.)

À lire: COCTEAU, Jean, Opium, Paris, Stock, 1930, 268 p.

À lire aussi:

– Miles dans les brumes

– Les aiguilles et l’opium / Marc Labrèche