Miles Davis : Miles dans les brumes
Entre 1948 et 1955, de Paris à New York, Miles Davis, de ses notes bleutées, aura contribué à forger certaines des plus importantes ramifications du jazz.
Après avoir connu une ascension fulgurante en début de carrière et contribué à fonder le mouvement cool jazz, Miles Davis et quelques amis musiciens se rendent à Paris, en 1949. Fasciné par Paris et sa culture, où les musiciens jazz noirs étaient plus respectés qu’en sol américain, Davis s’éprend du pays et de Juliette Gréco, avec qui il partage une histoire d’amour et de grands tourments. Alors que plusieurs tentent de le convaincre de demeurer en France, Davis reprend le chemin de New York, où il sombrera dans une dépression qu’il attribuera autant à sa séparation d’avec Gréco qu’à son manque de reconnaissance par les critiques et à la révélation de sa liaison avec une ancienne copine d’école de Saint-Louis. Ces trois facteurs constituent, selon Davis lui-même, les raisons de sa dépression et de sa dépendance à l’héroïne, au cours des quatre années suivantes.
Malgré des années de tourmente, minées par la dépression et la consommation d’héroïne, la période s’étalant de 1950 à 1954 fut extrêmement productive pour le trompettiste. Alors que ses performances publiques se font rares et chaotiques – en 1953, sa dépendance à la drogue affectait énormément sa capacité de jouer –, c’est en studio que le grand trompettiste se retrouve. En plus de nombreux enregistrements, Davis s’allie à de nouveaux collaborateurs, dont le pianiste originaire de Chicago Ahmad Jamal, qui influencera grandement le compositeur par son approche élégante et son utilisation régulière de l’espace temporel, et pavera la voie au schisme stylistique entre Davis et le bebop.
En 1951, Davis rencontre Bob Weinstock, propriétaire de Prestige Records, étiquette sous laquelle il fait paraître, de 1951 à 1954, de nombreux albums avec différents combos de musiciens. C’est à l’écoute de ces nombreux enregistrements que l’évolution du style de Davis est palpable, entre autres par l’ajout de la sourdine, qu’il tenait tout près du micro, créant ainsi sa signature personnelle, enveloppante, tout spécialement dans ses ballades aux phrasés plus espacés, plus mélodiques. Avec ces enregistrements, Davis se positionne dans le mouvement hard bop, utilisant des tempos plus lents et une approche moins radicale de l’harmonie et de la mélodie. Le hard bop auquel appartient désormais Miles Davis se distancie aussi du mouvement cool jazz – qu’il a contribué à faire connaître avec Gil Evans – par des battements plus difficiles et une référence constante au blues.
En 1955, après une opération aux cordes vocales et une désintoxication réalisée avec succès l’année précédente chez son père à Saint-Louis, Miles Davis refait surface au Festival de Jazz de Newport, où il fait un retour remarqué. Au même moment, Davis recrute John Coltrane, Red Garland, Paul Chambers et Philly Joe Jones, pour former ce qui fut appelé son «premier grand quintette». S’en suivirent de nombreuses parutions chez Columbia, chez qui Miles Davis signa son premier contrat après son retour magistral.
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