Festival Quartiers Danse : De tout, partout, pour tous
Scène

Festival Quartiers Danse : De tout, partout, pour tous

En 2003, le festival Quartiers Danses portait le nom de Transatlantique Montréal et programmait quelques spectacles dans Hochelaga-Maisonneuve, se donnant pour vocation la décentralisation et la démocratisation de la danse. Onze ans plus tard, il investit huit quartiers avec une programmation foisonnante et éclectique.

Margie Gillis en formule intime

Majoritairement axé sur la présentation d’artistes de la relève à ses débuts, Quartiers Danses (QD) a réussi, malgré de très petits moyens, à étoffer son affiche au fil des ans, proposant des créations et des reprises de chorégraphes de toutes générations et de tous calibres. Parmi les 37 créateurs qui investissent les 20 scènes et places publiques de cette 11e édition, se trouvent Margie Gillis et Tedd Robinson. Avec Cavatines et contrepoints, série de solos et duos qu’ils livrent accompagnés au piano par Jenny Chong, ils nous ramènent au temps où Loïe Fuller déployait de grandes ailes de soie et où Isadora Duncan dansait dans les salons bourgeois, presque nue sous ses voiles. «L’idée vient de Tedd, dont j’adore la poésie, la délicatesse, l’humour et la sagesse, commente une Gillis ravie de cette nouvelle collaboration avec le Torontois. C’est un spectacle très intime que nous venons de présenter à Orford avec succès. Nous le danserons un dimanche après-midi à la Salle Bourgie du Musée des Beaux-arts.»

Dans l’instant présent

Marc Béland, porte-parole du festival pour la deuxième année, fait partie des vedettes à l’affiche. Il revient avec le solo Francoeur, du nom du journaliste qui parle de l’état critique de la planète dans la bande son. « Je ne sais pas comment le solo a évolué par rapport à l’an dernier parce que je me refuse à le travailler pour être vraiment dans l’instant présent, déclare l’acteur qui dansait pour La La Human Steps dans les années 1980. J’y pense beaucoup, je fais des expériences physiques comme un stage avec Dave St-Pierre auquel j’ai participé récemment et je verrai ce que j’amènerai, de manière consciente ou inconsciente, de tout cet emmagasinage dans le solo. Ça fait partie de ma réflexion sur la pertinence d’intervenir sur scène face à la réalité écologique inquiétante et sur mon besoin de briser les codes de la représentation. »

Béland partage les Soirées soli au masculin avec Paul-André Fortier, qui s’offre un duo avec une boite dans BOX, l’homme en carton, et avec Tony Chong, qui sonde ses héros intérieur dans God of Thunder. Ce dernier signe également Neige Bleue, dansée par la charismatique Carol Prieur dans les Soirées au féminin où Jane Mappin s’aventure dans la poésie de Saint-Denys-Garneau dans Entre le ciel et l’eau (The last solo) et où Dulcinée Langfelder mêle théâtre, danse et vidéo dans un extrait de Pillow Talk, un essai sur le rêve.

«C’est le début d’une recherche de longue haleine sur les rêves que je trouve tellement méconnus, mystérieux et fascinants, explique-t-elle. J’ai toujours enregistré les miens et, en les réécoutant, j’ai été surprise par la richesse de leur contenu. J’en ai choisi quelques-uns avec une large gamme d’émotions que je mets en scène et que j’interprète. Le mot-clé est ‘‘farfelu’’ et je m’amuse comme une folle.»

Des Soirées improvisation danse sont également déclinées en deux volets: le maître Andrew de Lotbinière Harwood joue les corbeaux/corbeaux avec le Vancouvérois Peter Bingham et la compositrice et improvisatrice de talent Diane Labrosse. Lin Snelling, autre grand nom de l’impro, s’associe à Chantal Lamirande et à la musicienne Magali Babin pour présenter Laboratoire #2 en versions extérieure et intérieure.

Mettre le nez dehors

La programmation extérieure, également des plus riches, est dispersée dans l’île de Montréal. On y retrouve Mappin sur un banc public en duo avec le talentueux Daniel Firth dans Lewis et Lucie; Isabel Mohn avec quatre danseurs et l’abri mobile de Chez soi/The Home Project; le jeune Olivier Arsenault qui métisse acrobaties et danses percussives dans Dérive (aussi en salle)et le duo de danseurs urbains-contemporains Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund avec When the fall : revisited. Les très physiques Barcelonais Virgínia García et Damián Muñoz sont aussi de la partie avecDelta Victor & Rojo Manso, tandis que, venus de Séoul, trois danseurs du Dance Theater Chang jouent avec une poupée de chiffon dans Passivity.

La traditionnelle programmation de courts films de danse rend hommage à Gillis avec trois films la mettant en vedette et ouvre une fenêtre sur la créativité de 12 réalisateurs québécois et canadiens. On peut notamment mesurer le talent de Pedro Pires avec une fabuleuse Danse macabre, celui de Priscilla Guy, créatrice du blogue sur la vidéo-danse Regards hybrides et celui de Philippe Meunier, qui tient aussi l’affiche de l’une des trois soirées baptisées Hybridité et émergence avec une œuvre intégrant art contemporain, image et folklore québécois. Il partage la scène du Studio Hydro-Québec du Monument-National, où sont donnés la plupart des spectacles en salle, avec Sébastien Provencher qui axe son duo sur le dialogue et l’articulation des corps, et avec Rhodnie Désir, déjà auteure de plusieurs pièceset Vanessa Bousquet qui revient en créatrice solo après avoir remporté l’an dernier le Prix du public avec ses collègues d’Atypique – Le Collectif.

«AYEwa traite des bouleversements que vivent les immigrants qui viennent de trouver une terre, indique Désir. Ce mot recouvre plusieurs sens, mais je l’utilise comme un appel à l’aide aux guides spirituels. Car je travaille sur le métissage de la danse contemporaine et de celles d’Afrique de l’Ouest et des Antilles avec les chants et danses rituels vaudous comme source principale d’inspiration.»

«Dans Serait-il possible de vivre debout? je poursuis une recherche sur l’effet naturel de la pulsation musicale sur le corps, que je transforme complètement ou que je renforce, et sur la façon dont la relation entre deux personnes peut se développer à travers la recherche du rythme et de la pulsation», souligne Bousquet qui espère bien transmettre au public son amour pour le groove.

Résultat d’une collaboration entre Rafik Sabbagh, directeur général et artistique de QD et Dena Davida, qui vient de quitter la codirection de Tangente et œuvre à la reconnaissance du titre de commissaire dans le milieu de la danse, le programme triple assuré par Jérémy Galdéano, Benjamin Landsberg et Andrew Skeels donne à voir un travail contemporain très influencé par la danse néoclassique. Julienne Doko, Olivier Arsenault, Catherine Lafleur et Alix Dufresne y vont quant à eux de métissages divers.

Des incontournables

Dans les spectacles à ne pas manquer, le Français Pedro Pawels est de retour à QD avec Sors, une variation sur la mythique Danse de la sorcière,de l’expressionniste allemande Mary Wigman, revisitée par Carlotta Ikeda, Josef Nadj, Robin Orlyn et Jérôme Thomas, des chorégraphes aux signatures contrastées. Aussi, l’Étasunienne Heidi Duckler et la compositrice montréalaise Claire Gignac ouvrent les portes du Bowling Darling et donnent au public la possibilité de suivre le processus de création Bowling Blues, œuvre pour six danseurs et trois musiciens.

Enfin, la Britannique Wendy Houstoun promet une belle soirée d’ouverture avec 50 Acts, une pièce sur l’âgisme classée à Londres au Top 3 des meilleures créations de l’année 2012, précédée pour l’occasion par la prestation de Langfelder. Quant à la soirée de clôture, elle a été confiée à la metteure en scène et compositrice-interprète Charmaine LeBlanc dont le concert Soul to Soul se doublera de surprises dansées avant que DJ Tiss ne prenne les rennes du grand party final.

Et cette année, en plus des spectacles gratuits en extérieur et dans deux Maisons de la culture, les billets sont offerts en prévente à 16 dollars au lieu de 20 jusqu’au 10 septembre et l’on peut acquérir des passes à 57,50 dollars pour cinq spectacles. De quoi satisfaire sa curiosité sans se ruiner.

Quartiers danse a lieu du 11 au 21 septembre. Détails au quartiersdanses.com