Le recours aux forêts : Manichéisme 101
Le philosophe Michel Onfray se définit comme un hédoniste. Dans Le recours aux forêts, mis en scène par Jean Lambert-Wild et chorégraphié par Carolyn Carlson, ses textes le montrent plutôt épris de sentimentalisme fleur bleue et de moralisme sentencieux. Dommage.
«Tous nos gouvernants sont des Caligula. Tous ont tué, tuent ou tueront pour asseoir leur pouvoir ridicule.» Voilà le genre de déclaration solennelle, sans nuances, qu’assène ce Recours aux forêts qui propose une vision extrêmement manichéenne du monde et tue toute pensée, au profit d’une catégorisation stérile qui fait de la civilisation actuelle une ignominie à conspuer et suggère que la bonté ne peut que se déployer dans la communion avec la nature.
Vraiment? On se pince devant un texte aussi moralisateur et réducteur, qui s’arrime pourtant à un spectacle d’une grande beauté et d’une grande sophistication. Certes, l’humanité détruit la planète. Les hommes continuent de se faire la guerre. La démocratie chambranle. Mais à quoi bon marteler ces évidences sans les approfondir, sans les mettre en perspective ou les contextualiser? En lieu et place, la représentation se déplace du côté d’un éloge pompeux et emphatique des joies de la nature, ultime refuge de l’homme qui refuse de communier avec les siens.
Tous les éléments y passent: la terre, dont il faut sentir l’odeur après l’orage; le feu, dont on peut jouir grâce aux rayons du soleil, puis l’eau et l’air, entre autres merveilles. Pour s’opposer à la barbarie des hommes, Onfray propose de redécouvrir sa faculté d’émerveillement et de poser un regard enfantin et naïf devant toute forme de vie. C’est ainsi que l’on peut observer «à nouveau la vie d’un poisson qui saute et la mort d’une mouche avalée».
Rien de très philosophique dans cette longue énumération qui est davantage chamanique et sentencieuse que porteuse de véritables réflexions sur le rapport des hommes avec leur environnement.
Pourtant, la démarche visuelle de Jean Lambert-Wild n’est pas dénuée d’intérêt. La première partie expose des images 3D sur une toile fixe, alors que la deuxième moitié du spectacle propose de voir évoluer un danseur sur une scène baignée d’eau, laquelle se colorera doucement pour évoquer, en formes abstraites, la planète en mouvement. Évocateur, poétique et polysignifiant, malgré l’apparente simplicité du dispositif.
Jusqu’au 14 septembre à l’Usine C