50e de la Place des Arts : Franchir le cap
Scène

50e de la Place des Arts : Franchir le cap

Vous passez tous les jours dans le corridor de la Place des Arts sans trop réaliser que vous arpentez le complexe culturel le plus important du Canada. Après 50 ans d’histoire, ses 6 salles ne doivent pas être tenues pour acquises. Regard sur ses enjeux actuels avec Marc Blondeau, le PDG, et Michel Gagnon, le directeur de la programmation.

Lors de son inauguration, la Place des Arts a causé, comme le dit Marc Blondeau, pas mal de «brasse-camarade». Va-t-on en faire un lieu d’art élitiste?, se demandaient certains. Y aura-t-il une place pour l’art populaire et pour les démarches les plus audacieuses?, ajoutaient les autres. En 2013, même si les grandes œuvres consensuelles constituent encore la plus grande partie de la programmation, on peut dire que la Place des Arts joue du mieux qu’elle peut son rôle de mise en lumière de la diversité artistique: on y voit des comédies musicales commerciales produites ou diffusées par le géant Evenko, des pièces de théâtre dites «populaires» de la compagnie Jean Duceppe, mais aussi des compagnies internationales avant-gardistes dans la Cinquième salle ou de grands noms de la danse contemporaine au Théâtre Maisonneuve. On peut critiquer la Place des Arts pour diverses raisons, on peut se réjouir ou se désespérer des rénovations récentes (selon les goûts), mais personne ne peut nier qu’avec un budget somme toute restreint, elle a réussi à être incontournable dans le paysage montréalais et à contribuer au statut d’effervescence artistique de Montréal.

De préoccupants enjeux financiers

Drôle de bête, cette Place des Arts. Sa mission est celle d’une grande institution publique qui a été mise en place par la création d’une loi provinciale, mais ses moyens sont minimes – comme d’ailleurs nos autres prétendues institutions artistiques à caractère public – et elle n’a jamais été le théâtre national dont plusieurs rêvaient: son boulot n’est pas de produire des spectacles. Le gouvernement québécois soutient particulièrement bien ses fondations bétonnées et ses équipements par son programme d’infrastructures, mais lui offre une très mince subvention de fonctionnement (pas plus de 13% de ses revenus), ce qui rend les activités artistiques assez précaires.  

«Le grand défi dit Marc Blondeau, c’est d’être une entreprise culturelle qui a une mission publique, mais qui doit faire preuve d’entrepreneuriat culturel. Ça nous force à être une machine à partenariats, à travailler avec les plus grands producteurs culturels d’ici et d’ailleurs et à faire preuve d’initiative dans la recherche de fonds privés.»

Un défi, certes. La situation de la Place des Arts ne diffère pas en ce sens de celle de la plupart des théâtres établis. Mais vu l’importance du lieu dans l’écosystème artistique québécois, on ne peut que s’étonner de l’absence d’un meilleur soutien au fonctionnement. «Le rôle qu’on a à assumer, précise Michel Gagnon, c’est d’abord d’être un partenaire des compagnies artistiques. Mais souvent, avec les spectacles des jeunes compagnies de danse et même avec des plus grosses productions comme La Vérità et Cirkopolis, rien ne serait possible sans l’implication financière ou matérielle de la PdA. Notre mission évolue: ce genre d’implication financière dans les productions avait cessé depuis 1988.»

La Cinquième salle en mutation

Il y a d’autres exemples d’évolution de la mission au fil des ans. «On a fait énormément d’efforts à la Cinquième salle ces dernières années pour se rapprocher des jeunes artistes, dit Gagnon, et pour imprimer à la salle une direction artistique plus forte. Là aussi, on ne se contente pas d’être un simple diffuseur, on est parfois coproducteurs et on offre aux artistes des résidences de création. La Cinquième salle est notre lieu de recherche et je suis profondément fier de ce qu’elle est en train de devenir.»

Quand on accuse le Quartier des spectacles et la Place des Arts de n’être que des «Disneyland du spectacle» où les artistes ne trouvent pas de lieu abordable où répéter et faire véritablement de la création, Michel Gagnon voit rouge. Car la Place des Arts a toujours été à ses yeux un laboratoire de création. «La PdA a été et continue d’être un rouage important du développement des arts au Québec, poursuit Marc Blondeau. On a l’intention qu’elle demeure pertinente pour encore 50 ans, et elle le fera par sa diversité, par son action sur tous les fronts.»

Quelques perspectives d’avenir

Il reste pas mal de boulot à abattre, bien sûr. L’édifice des théâtres s’est refait une beauté ces dernières années, mais de nombreux équipements doivent encore être mis à jour. Et il faut continuer à accueillir des artistes internationaux, mais surtout favoriser l’intérêt du public à leur égard. «Le volet international est une partie importante de la mission artistique de la PdA, dit Michel Gagnon. J’ai envie de travailler davantage sur cet aspect, mais nos budgets sont minces et, très honnêtement, malgré l’intérêt de la presse pour ces spectacles-là, on a souvent du mal à remplir les salles quand il s’agit d’artistes inconnus du public québécois qui nous visitent pour la première fois.»

En attendant le jour béni où tous ces défis seront relevés, on fréquentera cette année une Place des Arts ayant enfilé ses habits festifs: il faut surveiller la programmation des activités du cinquantenaire au placedesarts.com.