Les arts de la scène à Montréal : Hors du Plateau, point de salut?
Dossier municipal

Les arts de la scène à Montréal : Hors du Plateau, point de salut?

Montréal est une métropole culturelle, répète-t-on à qui mieux mieux. Pour que cette inspirante formule représente vraiment la réalité, il faudrait pourtant agir sur davantage de fronts dans le milieu des arts de la scène. Compte-rendu des enjeux.

Artistes montréalais de théâtre et de danse vous diront qu’en ce moment, leurs yeux sont tournés vers le fédéral qui réduit depuis plusieurs mois les subventions aux artistes et accentue la pression pour que l’art puise davantage ses fonds dans le secteur privé. La situation est explosive, les artistes sont tendus. L’administration municipale peut-elle intervenir et jeter de nouvelles idées dans la marmite pour régler la crise du financement? Peut-être bien. Faut-il revoir la manière dont sont distribuées les ressources du Conseil des arts de Montréal pour pouvoir venir davantage en aide, au moins, aux compagnies phares?

S’il est inévitable que les artistes s’acoquinent avec le privé et dénichent des organisations philanthropiques avec lesquelles collaborer, Montréal peut-elle faciliter les rapprochements entre les milieux des arts et des affaires? Le gouvernement Marois a fait un pas dans cette direction avec son groupe de travail sur la philanthropie culturelle et sa proposition de mettre en place un OSBL pour favoriser le contact entre les artistes et les entrepreneurs. Mais c’est à une échelle locale que le réseautage peut vraiment s’articuler. Il y a du moins un chantier de réflexion à faire à ce sujet-là par l’administration municipale.

Autre enjeu important: la nécessaire décentralisation des lieux de diffusion. Car malgré les maisons de la culture et les quelques festivals de quartier, les arts de la scène ne se déploient pas suffisamment en dehors du Plateau et du centre-ville. Il faut multiplier les efforts pour que différents quartiers s’animent de théâtre, de danse, de performance, à l’image du Théâtre Aux Écuries qui a élu domicile à l’est de Villeray et qui fait de gros efforts pour entrer en dialogue avec la population locale. Le projet La ligne bleue, qui invite les Montréalais à découvrir les activités culturelles à faire autour des stations de la ligne bleue, est un autre exemple à suivre. Les théories à la mode de Richard Florida sur les villes créatives, qui inspirent notamment Marcel Côté, devraient inviter nos élus à favoriser ce genre d’initiatives artistiques locales, ancrées dans différents quartiers et appelées à se propager partout quand le succès est au rendez-vous.

D’ailleurs, même si Hochelaga-Maisonneuve est culturellement plus vivant qu’avant, à cause du dynamisme de la Maison de la culture Maisonneuve, les statistiques continuent de montrer que la fréquentation des salles de spectacle est famélique chez les habitants de l’est de la ville. Il y a de la médiation culturelle à faire dans ce secteur. Et des dialogues à entreprendre entre les artistes et la population locale. 

Sur fond houleux de débats sur la Charte des valeurs, la Ville de Montréal aurait intérêt à favoriser une meilleure cohésion entre les populations francophones, anglophones et allophones. Les arts de la scène, dans cette ville, ont longtemps été séparés en deux clans, bien distinctement divisés par leur langue d’appartenance et par la rue Saint-Laurent, Anglos d’un bord et Francos de l’autre. Mais les choses changent. Le bilinguisme sur scène est de moins en moins considéré comme une hérésie. Les artistes de danse croisent le fer depuis longtemps dans les deux langues, à travers une approche interculturelle. Pourquoi ne pas mandater Accès Culture à l’organisation de matchs d’impro bilingues (ou multilingues), à l’image de ceux orchestrés chaque été par le festival Fringe? Il faut davantage d’initiatives artistiques rassembleuses dans les quartiers les plus culturellement diversifiés.

Et surtout, il faut que cette ville qui aspire à un statut de métropole culturelle soit davantage animée par des manifestations artistiques en plein air, et pas seulement dans le Quartier des spectacles au mois de juillet. Il y a une expertise en théâtre de rue dans cette ville, notamment du côté du Festival de théâtre de rue de Lachine et du festival rosemontois La rue Kitétonne. Assurons-nous de donner davantage de moyens à ces organisations et proposons-leur d’élargir leur territoire d’action.