Lorraine Pintal : Pour que les ponts soient des lieux d’art
Montréal est une île, mais son cachet de ville insulaire s’est perdu au fil du temps. Entouré de ponts, de traits d’union entre deux mondes, Montréal se pénètre par les airs, en dominant l’eau. Il nous faut des ponts artistiques pour que l’entrée dans Montréal se fasse sous le signe de l’effervescence culturelle montréalaise. J’aimerais qu’il y ait sur nos ponts des voies réservées à des piétons venus fréquenter des expositions, des parcours artistiques jonchés de manifestations, de performances, de théâtre, de danse. Une manière franche de placer le visiteur devant le dynamisme culturel de la ville. Chaque pont pourrait adopter une thématique différente et laisser place à des artistes de différentes disciplines, porteurs de différents regards sur le monde. Ce serait une manière formidable d’ancrer la parole artistique dans l’espace public et de mettre en lumière, dans un lieu signifiant, tous les artistes qui façonnent Montréal autrement que par des activités économiques ou marchandes. Au moins une fois par année, il y aurait une fête des ponts: pas de voitures pendant une journée complète, seulement des fêtards plongés dans une ambiance effervescente. Ce serait génial que les ponts appartiennent réellement à la population au moins une fois par année. Quand on va à Saint-Pétersbourg, on comprend à quel point les ponts sont une richesse collective. Ils sont illuminés, ils se lèvent chaque matin pour laisser passer les bateaux, dans un rituel spectaculaire accompagné de musique: les ponts font battre le cœur de la ville. Alors qu’à Montréal nos ponts ne sont que fonctionnels, pas assez valorisés. Ce serait aussi une manière de retrouver un rapport de proximité avec l’eau qui nous entoure.
Lorraine Pintal
Directrice artistique et générale du Théâtre du Nouveau Monde