Tremblements de tête : De Réjean à Woody
Scène

Tremblements de tête : De Réjean à Woody

Dans Tremblements de tête, un spectacle intimiste fort sympathique, Philippe Robert nous invite dans la tête d’un personnage se racontant au fil de courtes histoires. Obsédé par quelques figures iconiques de la littérature et du cinéma, ce raté sympathique transforme son appartement encombré en territoire imaginaire.

Il est seul dans un décor chargé, sur deux étages: une reconstitution très réaliste d’un appartement encombré de divers artéfacts. Le naturalisme du décor fait contraste avec la nature un peu fantaisiste des histoires qui nous seront racontées. Doucement, simplement, ce lieu prendra divers visages. Par métonymie, le classeur deviendra bureau, les escaliers deviendront gradins.

La pièce de Philippe Robert est un solo, dont la construction repose avant tout sur une narration fluide et un talent de conteur, mais elle s’articule aussi à travers de sympathiques métamorphoses des lieux, des objets et de l’acteur lui-même, qui prend plaisir à trafiquer sa voix et sa posture pour évoquer différents protagonistes. Un spectacle pour ceux qui aiment se faire raconter, avec verve, de bonnes histoires.

Il s’agit vraisemblablement d’histoire écrites séparément puis fondues les unes aux autres, mais elles forment un tout presque cohérent. D’abord parce que s’y croisent des icones de la littérature et du cinéma: le personnage imaginé par Philippe Robert a la fâcheuse tendance de vivre dans l’ombre de ses idoles. Qu’il parte sur les pistes d’une énigmatique lettre codifiée en espérant rencontrer Réjean Ducharme ou qu’il s’envole pour New York à la recherche de Woody Allen, il reviendra toujours bredouille. Sans juger son personnage, le dépeignant plutôt de manière attendrie, Philippe Robert invite tout de même à réfléchir à la vie de tous ces anonymes aux vies invisibles, qui rêvent à une existence de création et d’authenticité et adulent ceux qui y sont parvenus. De Ducharme à Allen, la fascination pour les grandes figures culturelles est le symptôme d’un malaise plus grand. Pas très loin d’une quête identitaire.

Le cinéma est un arrière-plan puissant des récits, qu’il apparaisse concrètement lors de la visite d’un studio hollywoodien de Walt Disney ou qu’il subsiste dans les souvenirs d’une enfance passée à regarder des films muets. Dans la toute dernière histoire, cet intérêt pour les films surannés trouve un écho dans l’écriture, où sont évoqués à multiples reprises, de manière certes un peu maladroite, les fondus au noir et les fondus enchaînés.

Si la pièce prend d’abord des airs de comédie sur la vie de bureau (elle commence par le récit d’un écrivain raté qui travaille comme réviseur-correcteur), elle se transforme vite en une pièce sur les tentatives d’un homme de s’extirper de son quotidien au moyen de son imagination foisonnante et, aussi, grâce à l’amour d’une femme qui le suit dans ses pérégrinations.