Hans was heiri : Emboîtements singuliers
Scène

Hans was heiri : Emboîtements singuliers

Ils sont Suisses. Et ils sont inventifs, ludiques, athlétiques, sans pour autant manquer d’intelligence. Dans Hans was Heiri, Dimitri de Perrot et Martin Zimmerman abordent l’uniformité sociale en parachutant une galerie hétéroclite de personnages dans un vertigineux emboîtement de cubes et de cadres.

Drôle de mélange. Entre théâtre acrobatique et théâtre de l’image, avec des emprunts au burlesque et au théâtre clownesque, ainsi que des scènes purement poétiques qui puisent dans les ambiances oniriques et aériennes, Hans was Heiri est un spectacle particulièrement inclassable. 

Les plus exigeants diront qu’à force de vouloir tout faire, Dimitri de Perrot et Martin Zimmerman n’arrivent qu’à une bouillie informe. Je ne suis pas de ceux-là, bien que les longues scènes clownesques, construites par répétition de lazzis et de blagues physiques burlesques, ne m’ont pas semblé très pertinentes dans la construction d’ensemble. Il est clair, à tout le moins, qu’elles n’édifient pas tellement le propos. Même si elles sont amusantes.

Car propos il y a. En s’agglutinant dans un ingénieux dispositif scénique (une grande boîte séparée en 4 compartiments qui tournoient autour d’une roue), les personnages mettent leur singularité à l’épreuve. Apparemment tous différents, vêtus de vêtements hyper-distinctifs, ils se frapperont aux murs et aux boîtes, se contamineront les uns les autres et constateront qu’au fond, leur individualité n’est peut-être qu’une chimère. Réflexion sur la nature humaine et sur les grands sentiments et grands principes qui nous unissent tous? Ou méditation sur les sociétés occidentales consuméristes qui nous poussent à agir de manière hyper-conformiste? Sans doute un peu des deux, bien que le principe des cadres et des boîtes, qui indiquent une certaine critique d’un monde qui marche trop droit et ne laisse pas assez de place à ce qui se passe dans les marges, me fait pencher pour la deuxième option.

Quoi qu’il en soit, à cette inévitable uniformité humaine, la troupe de Zimmerman & de Perrot finit par opposer une autre vision du monde: la deuxième partie du spectacle multiplie les délires et emprunte progressivement des sentiers plus oniriques. Juché sur l’immense cube tournoyant, les personnages s’abandonnent à des postures aériennes et embrassent le ciel, sous une musique électro-planante de circonstance (gracieuseté du DJ De Perrot, qui est derrière les platines pour toute la durée du spectacle) et sous les magnifiques éclairages d’Ursula Degen.

Résultat? Un spectacle qui laisse croire à l’espoir d’une communauté diversifiée mais harmonieuse, sans toutefois observer le monde avec des lunettes trop roses.