Poste restante par Alexandre Fecteau / Québec en toutes lettres : Restes humains
Scène

Poste restante par Alexandre Fecteau / Québec en toutes lettres : Restes humains

Avec Poste restante, le fin clown derrière Changing Room sort des murs du théâtre Pénis-cock (référence ici au texte de la pièce à succès) et investit le cimetière Saint-Matthew pour présenter une œuvre claire-obscure sur les correspondances. 

«J’adore les textos. Tu es seul avec toi-même, dans ton monde intérieur, mais avec quelqu’un d’autre. Ça se rapproche de la télépathie. En plus, c’est discret, silencieux. Tu peux le faire en cachette. Cette manière de communiquer n’a jamais existé avant.» Résolument victime de son époque, l’auteur croque dans l’ère Grindr-Facebook à mâchoire pleine jusqu’à s’en inspirer dans ses mises en scène comme dans son NoShow qui faisait appel (au sens propre) aux auditeurs via leur téléphone cellulaire. Un dispositif du quotidien qui lui inspire deux des huit stations du parcours déambulatoire commandé par Québec en toutes lettres. «Les gens iront de mini-station en mini-station. J’insiste sur le mini, à cause d’Où tu vas quand tu dors en marchant», pièce à ciel ouvert à laquelle il a d’ailleurs participé à titre de chef d’orchestre du tableau final, aux côtés de la souveraine pontife du théâtre made in Québec Marie Gignac en 2011 et 2012.

Habitué, donc, aux commandes et aux propositions d’autrui, Alexandre Fecteau s’est fait imposer le lieu du cimetière Saint-Matthew sans débattre, une fosse à cadavres ostentatoire – pour insérer un mot à la mode –, mais aussi le seul espace vert du généreusement bétonné quartier Saint-Jean-Baptiste. Un endroit que tout un chacun s’est réapproprié pour pique-niquer, s’embrasser, dormir. Pour en faire un parc comme n’importe quel autre. «Jamais je n’aurais pensé qu’on rusherait autant pour obtenir l’autorisation. Il a même fallu avoir le O.K. de l’archéologue principal de la Ville! Faut dire que c’est un lieu fragile, les pierres tombales peuvent tomber si on les accroche et on ne peut pas piquer ni creuser, parce que 6000 à 10 000 personnes y auraient été enterrées il y a 150 ans. Je dois aussi faire passer les spectateurs par les sentiers en pierre pour ne pas remuer la terre et faire sortir des ossements. C’est de la cuisine, mais ça influence ma mise en scène.»

Reste que la mort occupe une place importante dans l’œuvre d’un soir seulement, assez pour en faire une thématique principale, car Fecteau jugeait impossible d’en faire autrement. «Ce ne sera pas un parcours historique, c’est un texte contemporain. Mais il y aura des clins d’œil au passé.» Comme avec le texte de Jean-Michel Girouard interprété par Jean-René Moisan et qui tire son jus de l’existence passée mais bien réelle de Robert Woods, personnage qui, selon la légende, aurait été le demi-frère de la reine Victoria, parce que le père de cette dernière aurait eu une maîtresse à Québec. Un bâtard royal qui fout la bisbille chez les historiens, mais qui s’est quand même vu attribuer l’honneur posthume du plus gros monument de la fosse à humain, la haute croix blanche perceptible de la salle à manger du Hobbit où Fecteau nous a offert sa première entrevue pour ce projet halloweenesque donnant aussi du travail à Maxime Robin, Jocelyn Pelletier et l’écrivaine Érika Soucy, pour ne nommer que ceux-là.

Samedi 12 octobre de 20h30 à 22h30 

Rendez-vous au cimetière Saint-Matthew