Où est Blanche-Neige? / Entrevue avec Manon Oligny : Vous avez dit in situ?
La chorégraphe Manon Oligny transporte son spectacle Où est Blanche-Neige? dans l’espace culturel Georges-Emile Lapalme de la Place des Arts en lui donnant une nouvelle signification, dans un jeu de correspondances entre les corps et leurs avatars virtuels dans les écrans-mosaïque de la Place des Arts.
Poursuivant sa réflexion sur la marchandisation du corps féminin, Manon Oligny a imaginé une Blanche-neige démultipliée, dont le sourire naïf perd toute authenticité dans la répétition. «Les Blanche-neige que j’ai imaginées sont fabriquées en usine, à l’identique, à partir du modèle commercialisé par Disney. J’ai imaginé que certaines d’entre elles avait réussi à s’échapper de l’usine en cours de fabrication: on voit l’usine dans les écrans, on voit le château, mais dans l’espace culturel Georges-Emile Lapalme déambulent des exemplaires qui ont trouvé le moyen de traverser l’écran.»
Guillaume Bourassa et Sébastien Gravel, des créations Ex-Nihilo, ont d’ailleurs travaillé très fort pour réaliser la vidéo interactive. «Tous les artistes ayant créé des œuvres interactives pour les 35 écrans de ce dispositif vous diront à quel point c’est complexe. Je suis comblée par leur remarquable travail.»
La production n’a bien sûr rien à voir avec Disney, et peu avec le conte original des frères Grimm: Manon Oligny dit vouloir explorer «l’envers du conte». «Les Blanche-Neige sont parachutées dans l’espace, elles cherchent une sortie de secours, ne savent pas où elles sont. En les observant déambuler, je souhaite que le spectateur tisse sa propre réflexion sur le conformisme, sur les modèles proposés par la culture de masse qui nous déterminent tous, consciemment ou inconsciemment, mais aussi sur les rapports entre le virtuel et le réel dans nos vies. Dans ma vie virtuelle, est-ce que je vis dans un conte de fées qui n’a rien à voir avec le réel? Je suis préoccupée, en tout cas, par ces doubles vies qu’on mène en chair et en os et dans nos écrans, à travers des mises en scène de soi qui n’ont plus de limites. Le fait qu’il y ait aussi un gars déguisé en Blanche-Neige ajoute à cette question de l’identité.»
Travailler dans un espace non-théâtral est une nouveauté pour la chorégraphe dont on a récemment vu, sur un thème similaire, l’oeuvre Icônes à vendre et une chorégraphie du spectacle collectif Danse à 10.
«En travaillant dans un lieu de passage comme l’Espace culturel Georges-Emile Lapalme, j’ai eu à faire plusieurs deuils. Certains passants n’en ont rien à foutre. Ceux qui ne sont pas venus voir un spectacle et qui utilisent le couloir de la Place des Arts pour passer furtivement du Complexe Desjardins jusqu’au métro Place des Arts, par exemple. C’est un peu déroutant cette indifférence, étant donné que la pièce a tout de même été composée comme une forme spectaculaire et qu’elle occupe un espace circonscrit. Ne pas avoir le contrôle de l’œil du spectateur ni de ses mouvements, c’est un grand défi.»
Néanmoins, dit-elle, «ce projet prend tout son sens par son inscription dans un espace grand public. Je me réjouis qu’il puisse permettre, par la bande, une certaine démocratisation de la danse, mais je ne pense pas que l’espace public m’incite à changer mon discours. Je ne fais aucun compromis pour rendre ça plus grand public. J’ai notamment vu des parents fermer les yeux de leurs enfants au passage. C’est le risque inhérent à ce type de pratiques hors les murs.»
Notez que la chorégraphe Ginette Laurin, de la compagnie O’Vertigo, propose aussi, en décembre, une deuxième série de représentations de Variations 2, dans l’espace culturel Georges-Émile Lapalme
Où est Blanche-Neige? de Manon Oligny from Manon fait de la danse on Vimeo.
Où est Blanche-Neige? … à la Fête de Montréal from Manon fait de la danse on Vimeo.