Frontières : Nos amis les humains
Scène

Frontières : Nos amis les humains

L’humain, ce formidable animal fascinant, est de nouveau au cœur de la dramaturgie d’Isabelle Hubert. Avec Frontières, elle nous plonge dans la culture hondurienne… et québécoise en quelque sorte.

«Cousine» de La robe de Gulnara, pièce de 2010 qui explorait les mêmes thématiques du déracinement et de l’exil, Frontières nous propose l’histoire d’un adolescent de 16 ans, Paco, confronté à un cruel dilemme alors que sa mère se brise les deux jambes en tombant du train qui les transporte vers les États-Unis. 

«J’ai lu un article qui parlait des réfugiés installés un peu partout le long de la voie ferrée pour recueillir et soigner les personnes qui tombent chaque jour des trains. Ça a été la bougie d’allumage. C’est vraiment un sujet qui m’émeut et qui avait un bon potentiel dramatique», souligne l’auteure.

Longtemps habituée à parler des problèmes de notre société, Isabelle Hubert a pris conscience qu’elle pouvait situer ses pièces ailleurs qu’au Québec: «Pour moi, il y avait une forme presque d’impertinence à aller parler d’un monde que je ne connaissais pas. J’avais peur de parler à travers mon chapeau. Mais depuis La robe de Gulnara, je me suis dit que j’avais le droit de témoigner et de m’émouvoir aussi des grandes détresses qui se passent ailleurs dans le monde, à condition d’être bien documentée. Je suis moi-même une humaine, je me suis donc donné la permission d’aller puiser dans cette matière-là.»

Explorant la foi, très présente dans la culture sud-américaine, et par extension la religion, Frontières pourrait-il avoir un écho spécial auprès des Québécois coincés dans le conflit identitaire actuel entourant la Charte des valeurs? Réponse du metteur en scène Jean-Sébastien Ouellette: «On l’espère, mais nous ne répondons pas à ces questions, nous les posons.» Même son de cloche du côté de la dramaturge: «Si je compatis naturellement avec les immigrants qui sont démunis et manquent de l’essentiel, j’offre aussi une part de sympathie au dilemme que ça cause à ceux qui subissent l’immigration. Il y a des personnages dans la pièce qui expriment cela et je ne veux pas donner de leçon, seulement mettre en lumière la complexité de cette affaire-là.»

Ne tenant jamais rien pour acquis, Isabelle Hubert et Jean-Sébastien Ouellette, couple à la ville comme à la scène, suivent le dicton qui incite à remettre cent fois sur le métier son ouvrage, malgré le succès de leurs précédentes productions: «C’est toujours un questionnement, un apprentissage. Notre position dans le milieu est celle de l’instabilité totale, tout le temps sur des sables mouvants. On n’est à l’abri de rien.» Si le passé n’est pas forcément garant de l’avenir, Frontières devrait cependant attirer l’humain moyen par son sujet universel et incontournable: lui-même.