Le Balcon : Entre deux eaux
Scène

Le Balcon : Entre deux eaux

Faste, faste. René-Richard Cyr propose au TNM sa mise en scène pétaradante du Balcon, de Genet. Mais son spectacle sombre dans les excès qu’il voudrait dénoncer, se contentant d’effets spectaculaires sans trouver le ton distancié ou ironique qui aurait permis un regard critique.

En imaginant un bordel où les hommes viennent satisfaire leur appétit sexuel en enfilant les costumes et uniformes des autres, à travers des jeux de rôles qui les placent dans des positions de pouvoir et de domination, Jean Genet imaginait, avant l’heure, la Société du spectacle dans laquelle nous vivons. Le brillant auteur dramatique aura ainsi été précurseur d’une pensée avant-gardiste (Genet n’avait pas encore lu La Société du spectacle, l’essai-phare de Guy Debord paru en 1967, quand il écrit Le Balcon en 1956). Il écrivait davantage Le Balcon pour réfléchir aux mécanismes du pouvoir. Mais René-Richard Cyr a vu juste en insistant sur le spectacle de soi que cette pièce met en lumière et qui résonne puissamment dans le monde actuel.

L’ennui, c’est qu’il s’est arrêté en chemin. Son spectacle ne fait que la moitié du trajet vers cette lecture de l’œuvre. Avec ses décors mobiles, ses francs jets de lumière, ses costumes colorés, son jeu exacerbé, sa musique cérémonielle, cette production mise effectivement sur les artifices du spectacle, tels qu’ils sont utilisés dans un contexte d’industrie culturelle où règnent les spectacles à grand déploiement. Mais pour qu’émerge de ce cirque une dimension critique, un éveil à la réflexion, il fallait mieux assumer cette position et véritablement oser le grotesque, le potache, le surdimensionné, la surenchère, afin de souligner le ridicule de la situation dans laquelle se mettent les personnages de Genet et la futilité de leur quête de pouvoir.

Cette production y échoue pour offrir plutôt un divertissement comme les autres, dont le niveau de jeu est généralement trop criard et affecté pour rendre les personnages crédibles, et trop retenu pour inspirer un véritable recul critique.

Dans le rôle de Madame Irma, fort heureusement, Marie-Thérèse Fortin évite l’écueil en demeurant plus proche du registre réaliste, tout comme Macha Limonchick dans le rôle de Carmen, qu’elle joue tout en retenue. Leur interprétation, plus classique, a le mérite d’être juste et de permettre une bonne compréhension des enjeux.