Humour sens dessus dessous / Jacques K. Primeau : Le point de vue d'un producteur
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Humour sens dessus dessous / Jacques K. Primeau : Le point de vue d’un producteur

Peut-on encore faire fi de la rectitute politique en humour? Entrevue avec Jacques K. Primeau, qui analyse le phénomène à l’aune de ses enjeux économiques.

Difficile de trouver un intervenant plus pertinent que Jacques K. Primeau pour discuter rectitude politique, considérant que le président actuel du conseil d’administration du Quartier des spectacles fut aussi le producteur de RBO et qu’il produit l’émission Tout le monde en parle.

À son avis, la rectitude politique en humour et dans le divertissement en général s’est imposée en deux temps. «Il n’y a pas juste une rectitude politique, avance-t-il, il y a aussi une rectitude économique. Les médias ne veulent pas déplaire à leurs commanditaires, alors ils feront attention à ne pas les froisser.» Voilà la principale raison pour laquelle des émissions spéciales comme les Bye Bye sont passées au peigne fin par des équipes d’avocats: ils se doivent d’être certains qu’aucune boutade ne puisse être considérée comme une diffamation envers une personnalité publique ou comme une insulte envers un précieux annonceur.

En deuxième lieu, le web a changé le jeu. «Je pense que le grand changement, c’est le bouleversement apporté par les médias sociaux», pense-t-il. «L’impact d’un gag qui suscite une polémique est rapidement grossi. Il devient rapidement une affaire importante.» D’un point de vue large public, on peut penser à des humoristes comme Guillaume Wagner ou Mike Ward, dont les blagues à propos de Marie-Élaine Thibert et Cédrika Provencher ont respectivement été très mal reçues lorsque celles-ci ont quitté la salle de spectacle, sans réelle mise en contexte.

«Je pense que les médias sociaux ont une portée telle qu’un gag qui est fait dans une salle de spectacle entre adultes consentants peut se retrouver très rapidement à la tête de Facebook, Twitter et, par fait même, dans les médias traditionnels.» Cela dit, Jacques K. Primeau pense que c’est une nouvelle réalité qu’il faut tout simplement accepter. «Chaque humoriste a son public. Tu ne vas pas être consensuel. Il faut accepter qu’il y a une partie qui ne t’aime pas et qui ne te trouvera pas drôle. On a l’impression que les gens veulent être aimés par tout le monde. En humour, c’est à peu près impossible.»

Bien qu’on puisse trouver certains de ces phénomènes inquiétants, Jacques K. Primeau n’est pas nostalgique d’une période révolue de l’humour québécois. «Il y a plus de diversité dans l’humour d’aujourd’hui qu’il y a quelques années», tranche-t-il. «Les Zapartistes sont une belle preuve d’humour politique critique, et spontanément je pense aussi à Martin Matte et Louis-José Houde, par exemple.» Il faut aussi savoir relativiser: bien que les avocats et les médias sociaux puissent affecter l’industrie de l’humour, le Québec reste un endroit idéal qui offre une liberté d’expression considérable lorsqu’on regarde l’état du monde actuel.

Jacques K. Primeau semble enthousiaste par rapport à l’état de l’humour au Québec. «Les jeunes humoristes ont aussi leur capacité d’indignation et ça se fait sentir», explique-t-il. «Avoir un humour caustique, c’est la preuve de la vitalité d’une démocratie. Plus on est capable de rire de nos travers, plus une société est en santé.» À la nôtre, donc. 

Pour plus d’informations sur le colloque Humour Sens Dessus Dessous: observatoiredelhumour.org