Zap 2013 : Mi-figue mi-raisin
Les Zapartistes sont-ils trop engagés, trop politisés pour arriver à se distancier véritablement de l’actualité et en rire franchement? C’est la question qu’on se pose depuis quelques années devant leur revue de l’année. Celle de 2013, leur ultime spectacle dans cette formule, n’échappe pas à l’écueil.
Alternant les numéros parodiques et les faux bulletins de nouvelles aux manchettes punchées, Zap 2013 est un spectacle d’un bon rythme. Mais il est vrai qu’il est peut-être temps, pour la troupe désormais composée de Christian Vanasse, Vincent Bolduc, François Patenaude, Jean-François Nadeau et Brigitte Poupart, de passer à autre chose avant que leur concept de rétrospective ne s’effrite complètement. Pas que leur spectacle 2013 soit insignifiant ou à côté de la plaque. L’actualité y est auscultée au peigne fin; il n’y a pas d’oublis majeurs, et l’intelligence est au rendez-vous. Mais force est de constater que la plupart des imitations, sauf peut-être celle de Justin Trudeau, Régis Labeaume et Denis Coderre, sont à peine caricaturales et, ainsi, elles reproduisent le réel sans trop le triturer. Ce qui est franchement moins drôle et moins décalé que ce à quoi les Zapartistes nous ont habitués dans leurs premiers spectacles annuels et dans leurs spectacles thématiques. Certes, l’actualité québécoise est souvent, en soi, risible, et il n’est pas toujours nécessaire d’ajouter trois couches de dérision. Mais restituer simplement les faits, est-ce bien suffisant pour provoquer chez le spectateur autant de rire que de réflexion? Tout cela manque de distance et donne un spectacle bien trop neutre.
Prenez, par exemple, l’imitation de Nicolo Milioto par Vincent Bolduc. La comparution de l’entrepreneur à la commission Charbonneau était en soi une farce, et Bolduc la reconstitue intégralement en mettant bien en lumière son caractère désopilant. Mais il y a bien peu de distance entre la réalité et l’interprétation proposée par les Zapartistes: pas de regard véritablement caustique sur les événements, ni d’insolence ou de décalages. L’imitation de Pauline Marois par Brigitte Poupart, très juste, est également trop peu distincte du réel. La même chose se produit en deuxième partie, alors que se succèdent sur scène des incarnations de citoyens s’exprimant sur la Charte des valeurs du PQ. L’idée de réaliser un panorama des diverses opinions ayant agité l’espace public est intéressante. Mais les personnages qui se présentent au micro ne sont pas assez parodiés. Un peu plus et les Zapartistes seraient dans une démarche carrément documentaire.
C’est dommage, parce que cette absence d’effronterie masque le talent des Zapartistes pour la mise en relief des travers du monde politique et médiatique. L’une des recettes efficaces du groupe est de parachuter un enjeu social dans un univers qui lui est étranger, et cette mécanique-là fonctionne à coup sûr. Ainsi, on rigole quand Christian Vanasse joue le présentateur de bulletin de nouvelles français, qui décortique l’actualité québécoise en massacrant les noms et en réduisant les enjeux à des clichés et des approximations. Quand Brigitte Poupart imite Joyce Napier et la fait manœuvrer les codes du journalisme sportif au marathon de Boston, on rigole aussi. Le numéro sur Harper en magicien, qui fait disparaître d’un coup de baguette les subventions à la recherche et aux arts, n’est pas mal du tout même s’il est un peu facile.
D’autres bons coups? Un sketch sur Pierre-Karl Péladeau et Julie Snyder désireux de dominer le Québec, même s’il faut pour cela faire fi de leur dédain de l’interventionnisme étatique et récolter en bloc l’argent de nos impôts. Une perversion de la chanson Bobépine, de Plume, devenue Maghrébine pour l’occasion. Et surtout, la totalité des sketchs de Jean-François Nadeau, qui est vraiment à l’aise dans ce registre et qui fait un Lucien Bouchard plus vrai que nature ou un Justin Trudeau plus séducteur que jamais.
LES DATES
Le 19 décembre à 20 h au Théâtre de la Ville (Longueuil)
Le 21 décembre à 20 h au Théâtre du Cégep de Trois-Rivières
Le 22 décembre à 20 h à la salle Albert-Dumouchel (Valleyfield)
Du 27 au 30 décembre à 20 h au Métropolis (Montréal)
Le 4 janvier à 20 h au Théâtre Lionel-Groulx (Ste-Thérèse)
Le 5 janvier à 20 h au Théâtre du Vieux-Terrebonne
Le 8 janvier à 20 h au Centre culturel de l’Université de Sherbrooke
Le 9 janvier à 20 h à la Maison de la culture de Gatineau
Les 10 et 11 janvier à 20 h au Capitole de Québec