Les laissés pour contes, 2e édition : Le goût des autres
Scène

Les laissés pour contes, 2e édition : Le goût des autres

Spectacle sans prétention qui met la parole à l’honneur, la deuxième édition des Laissés pour contes permet de découvrir quelques voix prometteuses malgré un spectacle inégal. S’y démarque particulièrement la comédienne Marie-Michèle Boutet dans un conte de Jocelyn Roy.

Les laissés pour contes, à la manière des contes urbains d’Yvan Bienvenue mais ancrés dans les préoccupations de la génération Y, est un spectacle de conte orchestré pour la deuxième fois par Pierre Chamberland. Un spectacle qui ne cherche qu’à divertir par des écritures agiles et rythmées et qui y arrive la plupart du temps. En décembre 2012, j’y avais découvert la belle plume rythmée de Nadia Essadiqi  (comédienne aussi connue en  tant que chanteuse sous le nom La Bronze) et j’y avais savouré la performance de Mathieu Lepage dans une histoire de gangster de banlieue lisse. Comme lors de la première édition de cette soirée contes balancés au cœur de l’hiver, la cuvée 2014 est faite de hauts et de bas et explore avec plus et moins de ferveur un même thème:la convoitise. Concentrons-nous sur les belles découvertes.

Blanche, le personnage interprété par la comédienne Marie-Michèle Boutet dans le conte de Jocelyn Roy, est né en 2012 dans la pièce Montréal Apokalypse. N’ayant pas vu ce spectacle, je découvrais cette semaine l’énergie fougueuse et le jeu physique hyper-précis de cette actrice transformée pour l’occasion en poupée d’Hochelaga, prête à bien des bassesses pour devenir la reine des galas de boxe du quartier et pour conquérir le cœur d’un beau brumeux. Touchante innocence et rêves d’une vie meilleure poussent la pauvre Blanche à s’imaginer que son salut réside dans la célébrité: une idée soufflée en elle par une télévision boostée aux diktats du vedettariat et par une incessante rivalité avec sa sœur jumelle. Tous les éléments s’alignent pour provoquer une inéluctable descente aux enfers et la plume habile de Jocelyn Roy fait tourner promptement ce manège. Du bonbon.

Dans La pleureuse, la comédienne Véronique Pascal invente un savoureux personnage d’homosexuel névrosé qu’une quête du plus-grand-que-soi (ou du plus-beau-que-soi) va mener à de tristes aboutissements. Sa virée rocambolesque à la recherche de l’amour de sa vie dans la foule du Piknik electronik va particulièrement mal finir. De l’action, de la répartie, de l’émotion: ce conte porté très énergiquement par Antoine Touchette est un vrai feu roulant.

Le conte de Pierre Chamberland, au rythme plus lent et à la prose plus calme, évolue vers des zones troubles. Certes, l’écriture manque par moments de subtilité, notamment lorsque Chamberland fait s’expliquer son personnage avec des phrases prémâchées dignes de celles que l’on sert à son psy pour se débarrasser de lui. Mais doucement, avec beaucoup de délicatesse, le conte évolue vers un récit trouble, qui explore des pulsions dérangeantes chez un personnage de femme brisée par son impossibilité d’enfanter.

L’hyperproductif Simon Boulerice livre un conte fort rythmé et, comme le fait Véronique Pascal, il mise sur le parcours rocambolesque d’un personnage à l’égo torturé par une rupture amoureuse. Son conte, sympathique mais dénué de son habileté à jongler avec différentes références littéraires, nous mène dans une course en talons haut à St-Petersbourg. Catherine Dumas y donne tout ce qu’elle a.

La soirée avait débuté par un conte un peu alambiqué de Paul Bradley et par un numéro de pantomime et marionnettes absolument dissonant.