Novecento:pianiste : La musique de la liberté
Scène

Novecento:pianiste : La musique de la liberté

Puissance de la musique, immensité de l’océan et pouvoir de l’amitié se fondent dans la personnalité de Danny Boodman T.D. Lemon Novecento, magnifique héros sorti de l’imaginaire d’Alessandro Barrico. Le monologue Novecento : pianiste est redistribué dans un spectacle à 4 acteurs par la metteure en scène Geneviève Dionne.

Sans être particulièrement originale dans sa théâtralité, et même parfois un peu scolaire dans sa manière d’illustrer l’action par des apparitions mouvementées des comédiennes Jacinthe Gilbert et Karine Chiasson en arrière-plan, ce Novecento:pianiste est une production honnête, qui dynamise la partition de Barrico en la faisant porter par plusieurs voix. Ceux qui ne connaissent pas ce texte, qui n’est ni un roman ni un monologue théâtral mais un peu des deux, trouveront plaisir à le découvrir dans ce spectacle à la narrativité habile et au lyrisme indéniable. Romanesque, le spectacle se colle au plus près de l’écriture simple et belle d’Alessandro Barrico et tente d’en saisir les impétueux mouvements, dans un théâtre de peu de moyens et de peu d’éclat mais de belles intentions et de beaux sentiments.

Tim (Martin Lebrun), le trompettiste qui agit comme narrateur de la belle histoire de Novecento, sera vite rejoint sur scène par celui dont il raconte la vie et dont il vante les mérites de pianiste (Simon Dépôt), dans une dramaturgie qui oscille entre le conte et le dialogue théâtral. Proposant ainsi un spectacle plus mouvementé que ce que propose le monologue original, la metteure en scène n’hésite pas non plus à faire apparaître furtivement d’autres figures évoluant dans le vaste navire où officie le pianiste virtuose. C’est un théâtre de mots, certes, mais aussi un théâtre d’ambiances, qui tente de reproduire l’atmosphère de cabaret régnant sur le paquebot lors des soirées les plus folles. On peut reprocher au spectacle de se complaire dans une vision un peu trop stéréotypée des nuits jazzées des années trente, mais cette approche, il faut l’admettre, donne du rythme au spectacle. S’y greffent des scènes gestuelles dans lesquelles les deux comédiennes dansent le charleston ou évoquent en mouvements les grands sentiments éprouvés par le pianiste (ce qui est un peu moins heureux, souvent grossièrement illustratif).

On retiendra de cette belle histoire d’amitié qu’elle est surtout une histoire d’anticonformisme. Né sur le bateau où ses parents l’ont abandonné à la naissance, puis élevé par le marin Danny Boodman, Novecento refusera toute sa vie de quitter le navire. Est-ce une forme de repli sur soi? Il n’en est pas moins épris de liberté: l’immensité de l’océan lui apprend la beauté de l’infini et la musique de son piano lui montre comment sublimer l’existence. Quand Tim s’inquiète que son ami ne connaisse pas le bonheur d’une «vie normale» sur la terre ferme et qu’il lui souhaite «de se marier avec une femme sympathique pour avoir des enfants», on ne peut que donner raison au pianiste, qui a compris que les possibilités du monde terrestre risqueraient plutôt de l’emprisonner dans une vie excessivement normale et sans âme.

À travers son nomadisme, Novecento vit le plus beau des paradoxes. Enfermé dans les murs du paquebot, il est pourtant ouvert à toutes perspectives et il ignore les distinctions qui briguent les humains et les peuples les uns contre les autres.