Ô lit! : Du berceau au parkour
Scène

Ô lit! : Du berceau au parkour

Dans Ô lit!, sa nouvelle création pour les 4 ans et plus, Hélène Langevin retrace l’évolution de l’enfant, de la naissance à l’adolescence. Une œuvre charmante et efficace qui manque cependant de finesse et de magie.

Avec six pièces pour jeune public à son actif et d’innombrables représentations et ateliers donnés au cours des 13 dernières années par la compagnie Bouge de là, Hélène Langevin a fait 1000 fois la preuve qu’elle a le tour pour captiver les enfants. Dans une Agora bondée d’élèves âgés de 4 à 9 ans, elle réussit à nouveau son coup avec Ô lit! On rit beaucoup, on s’exclame souvent et on écoute, la bouche grande ouverte, l’histoire de la sorcière et de la jeune fille aux mains de bois.  

L’œuvre est divisée en quatre sections. Dans la première, savoureuse et hilarante, les cinq danseurs incarnent des bébés à la conquête de la verticalité. Les comportements spécifiques des nourrissons sont parfaitement reproduits, mais certains corps restent trop policés pour rendre parfaitement leur gestuelle maladroite. Immense, le lit est ensuite rapidement déplacé avec les accessoires pour une séquence plus théâtrale. Une petite fille (Julie Tymchuk) y pique une grosse colère avant que son papa (l’acteur Guillaume Chouinard) ne récompense son retour au calme par un récit palpitant qu’illustrent magnifiquement les autres interprètes. Par d’habiles manipulations, ils transforment rapidement le décor, usant entre autres subtilement des ombres chinoises qu’on retrouve dans la plupart des œuvres de Langevin. Le lit commence à être désossé pour la danse du super héros à laquelle se livre en solo un préado (Nathan Yaffe) bientôt rejoint par ses comparses. Avec ses compositions géométriques, pyramidales et sa gestuelle plus athlétique, la chorégraphie devient plus spectaculaire, conduisant naturellement à la scène finale, très circassienne, dans laquelle la structure complexe du sommier est entièrement déployée. Elle ouvre alors un espace d’expérimentations musicales percussives et de jeux acrobatiques évoquant le parkour. Tirant le meilleur de chacun de ses interprètes, tous nouveaux hormis Chouinard, Langevin exploite le goût d’Emily Honegger pour les danses urbaines et le passé gymnique de Myriam Tremblay.

Pour maintenir l’attention des enfants, les actions sont variées, tout comme les gestuelles qui offrent différentes perspectives sur le corps et sur son expressivité. Signée Bernard Falaise et Éric Forget, la musique soutient bien la chorégraphie, éduquant les jeunes oreilles à des mélodies et des rythmes aussi diversifiés, avec des passages de free jazz et des sonorités contemporaines dans des scènes plus chaotiques. 

Il y a de l’inventivité dans cette œuvre et de l’application dans le travail des détails avec de jolies trouvailles. Mais si le scénario rend effectivement bien compte des caractéristiques de la personnalité des enfants à chaque tranche d’âge, la chorégraphe cède à la facilité et frise la caricature. Et si les scènes s’enchaînent avec une relative fluidité, l’ensemble est cousu de fil blanc et les transitions sont parfois grossières. Mais surtout, on ne parvient pas à s’attacher aux personnages qui changent sans cesse de rôle et tout va tellement vite qu’il n’y a pas de place pour l’émotion. Est-ce ainsi que les hommes vivent et que grandissent les enfants ?