From the ground up : Circus Oz débarque à Montréal avec son cirque vaudevillesque
Scène

From the ground up : Circus Oz débarque à Montréal avec son cirque vaudevillesque

Ils sont acrobates et ils font du cirque à la manière du vaudeville, en abordant quelques enjeux sociaux par la bande. Mais surtout, dans From the ground up, les artistes du Circus Oz sont maîtres de l’autodérision à l’australienne.

Célébré dans son Australie natale et dans le monde entier depuis 35 ans, le Circus Oz n’est pourtant jamais venu présenter un spectacle à Montréal. Pourtant, ils sont potes avec Les 7 doigts de la main et viennent faire leur tour à l’occasion pour jouir de notre ville, capitale autoproclamée du cirque. «Je ne sais pas comment expliquer cela, dit le directeur artistique Mike Finch. Les calendriers de tournée n’ont jamais coïncidé avec les invitations montréalaises. C’est ainsi.»

Pas grave: on profitera d’eux au maximum puisqu’ils sont enfin là. Les spectateurs iront assurément applaudir leur virtuosité mais ce qui est encore plus merveilleux c’est qu’ils ne s’y complaisent guère et que, comme le dit Mike Finch, «les compétences circassiennes et le talent des acrobates ne sont pas aussi importantes à nos yeux que les personnalités des artistes. From the ground up, c’est d’abord un spectacle qui fonctionne à cause de ses personnages, fortement inspirés par les personnalités des membres de la troupe, même si on les a exagérés, un peu à la manière du clown, mais dans un esprit cabaret.»

Inspiré du travail du photographe Charles Ebbets, et surtout de sa célèbre image montrant des travailleurs de la construction dégustant leur lunch sur une poutre, la pièce s’amuse avec les possibilités scéniques du chantier de construction, multipliant les prouesses sur poutres, échelles et cordages. Ne se contentant pas de mêler l’art du cirque à celui de la construction, ils s’improvisent aussi musiciens et forment un rock band éclectique. Sans oublier un humour parodique et décalé qui leur a valu, dans de nombreuses critiques, d’être qualifiés du «cirque le plus loufoque du monde».

«Il y a quelque chose de puissamment poétique dans cette photo de Charles Ebbets, s’enthousiasme Mike Finch. Ces travailleurs sont là, dans une situation hyper-dangereuse, sans filet de sécurité, mais ils sont parfaitement sereins et décontractés. On y a vu une métaphore de l’Australie: un pays où les gens n’aiment pas trop se prendre au sérieux et où l’arrogance est conspuée. C’est aussi pour représenter cet état d’esprit australien que notre spectacle demeure volontairement spontané, pas très lisse ni très poli. On est dans le rugueux et on improvise beaucoup.»

Les artistes de Circus Oz sont aussi convaincus des possibilités de l’interculturalisme et, à eux seuls, ils sont représentatifs du pluralisme de la société australienne. «On aime représenter à la fois la diversité ethnique qui compose notre société et les racines autochtones de notre pays, qui fondent sa culture. L’Australie a plutôt bien vécu l’interculturalisme jusqu’à maintenant mais le gouvernement actuel contribue beaucoup à exacerber les tensions raciales avec son discours sur la sécurité. Le reste du monde, d’ailleurs, ne semble voir de notre pays que cette intolérance et ce racisme soudainement criant, alors que, vraiment, ils ne sont pas aussi importants. Le spectacle permet de réfléchir à ces enjeux.»

Voilà qui risque de résonner très fort aux oreilles québécoises, en ces temps de tensions ethniques et religieuses révélées par la Charte de la laïcité.

Ceci dit, ne vous y trompez pas, From the ground up demeure un spectacle ludique pour toute la famille, qui s’apprécie selon différents niveaux de lecture et que les petits observent d’un œil étonné pendant que leurs parents captent son propos sociopolitique. Le meilleur des deux mondes.