L'architecture de la paix : Éloge de la naïveté
Scène

L’architecture de la paix : Éloge de la naïveté

Tentant d’imaginer, en gestes et en mots, un monde d’harmonie après une catastrophe, la pièce L’architecture de la paix, de Paula de Vasconcelos et Evelyne de la Chenelière, sombre dans une danse illustrative et dans un excès de naïveté et de sentimentalisme.

Faut-il que le monde soit anéanti pour qu’enfin la paix et l’harmonie soient possibles? Contrairement à la plupart des œuvres post-apocalyptiques qui dépeignent un monde se reconstruisant péniblement dans une certaine férocité entre les survivants, la société post-castastrophe imaginée par Paula de Vasconcelos est en route vers la construction d’un nid d’amour et de fraternité.

Mettant en scène une famille ayant résisté à l’anéantissement, la pièce explore aussi l’épanouissement de l’adolescent (rafraîchissant Philippe Thibault-Denis) et son idylle naissante avec une belle (l’actrice portugaise Ana Brandão). L’avenir sera sauf, suppose-t-on, à voir les tourtereaux se câliner délicatement. Qui plus est, cette union qui fait fi des nationalités et des langues laisse supposer l’émergence d’une société qui se moque des barrrières linguistiques, géographiques et nationales. Un village global.

Le hic, c’est que l’idée de la possibilité de construire un monde de paix et d’harmonie est illustrée par des chorégraphies démonstratives et simplistes qui montrent la famille enlacée, puis désunie par quelques gestes violents, puis rapidement ressoudée. On comprend que la reconstruction d’un monde brisé ne se fait pas sans heurts, qu’elle passe nécessairement par de multiples renaissances et par un processus violent, sinueux et répétitif, avant que puisse triompher la paix. Mais tout cela reste au premier degré, dans une gestuelle banale et rudimentaire.

Le texte d’Evelyne de la Chenelière, plutôt poétique, évoque l’ancien monde avec nostalgie mais se réjouit des possibilités du monde nouveau. Il demeure la plupart du temps bon enfant. Trop.

C’est pourtant un spectacle très beau, enrobé par les percussions de Carlos Mil-Homens et par le chaleureux décor en panneaux de paille tressée. Cette scénographie d’abord linéaire se transforme soudainement pour faire apparaître des toits et des fenêtres à partir desquelles on regarde le monde, l’œil habité par l’espoir.

Mais pour que le spectacle fasse vraiment réfléchir aux possibilités de la paix, il aurait fallu davantage que ce conte de fées trop propre et trop gentillet, dans lequel l’harmonie apparaît comme par magie. On peine vraiment à croire à tant de mièvreries.