Burlesque multiplié par 10
Scène

Burlesque multiplié par 10

À l’approche de la caravane du Blackheart Burlesque des Suicide Girls, on s’entretient avec Missy Suicide, productrice de l’événement et cofondatrice du fameux site web.

Qui aurait cru qu’une idée un peu olé, olé — publier des clichés affriolants de modèles aux looks plutôt atypiques (punk, goth, etc.) sur le Web — irait aussi loin? Et pourtant, près de quinze années après sa mise en ligne, suicidegirls.com est autant devenu une référence (on ne compte plus les imitations ainsi que les projets inspirés par le portail) qu’un petit empire (parmi les produits dérivés qu’on y mousse : livres, films, vêtements, magazines, comic books, etc.).

Comme si ce n’était pas assez, la photographe et cofondatrice de Suicide Girls Selena «Missy Suicide» Mooney allait — bien malgré elle — revitaliser le burlesque (où, du moins, le rendre plus accessible) en organisant une tournée du genre en compagnie de collaboratrices du site dès 2003. «À l’époque, nous étions les seules à produire des événements burlesques qui ne faisaient pas dans le “rétro” ou les traditions du genre», note-t-elle dans un échange par courriels alors qu’elle était à Sydney. «L’idée d’organiser un événement sexy sans compter sur des boas en plumes ou un numéro sur l’air de Hey Big Spender nous allumait beaucoup! On voulait plutôt utiliser des chansons plus modernes ainsi que des références à la pop culture actuelle tout en suscitant le burlesque d’antan.»

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L’idée a eu un effet bœuf. En plus de parcourir les routes sinueuses de l’Amérique, de l’Europe et même de l’Australie, les Girls se sont retrouvées en première partie de concerts de Guns N’ Roses et Courtney Love en plus de participer au tournage de plusieurs vidéoclips, dont Shake Your Blood de Probot, un super groupe réunissant notamment des membres de Foo Fighters et de Motörhead…

«C’était très amusant», résume Mooney qui associe du même souffle le hiatus entre la première tournée et la version revampée de 2014 à «une pause qu’on a constamment allongée». Plus tard, elle fera aussi valoir que le «buzz» autour d’événements plus humbles l’a également incitée à revenir en force. «Au printemps dernier, on a publié un livre — Hard Girls, Soft Light — pour lequel on a organisé quelques lancements dans des librairies et boutiques de bandes dessinées. Des événements annoncés sur Facebook; rien de très grandiose et, pourtant, le bouche a oreille a été phénoménal! Il n’était pas rare que 500, voire 750, personnes se présentent juste pour pouvoir rencontrer et faire signer leur exemplaire par les Girls participantes. Devant un tel engouement, on s’est dit qu’on devrait organiser quelque chose de plus cool que de telles séances de dédicaces.»

D’où l’idée de revenir à la tournée burlesque et de reprendre la route avec une version revampée de celle-ci… car la «compétition» est maintenant de taille.

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Quand Quentin Tarantino ne suffit plus

Au cours de la dernière décennie, bon nombre de troupes burlesques ont émergé pour explorer, elles aussi, des tropes non traditionnels (pensons, par exemple, à une série de spectacles montréalais au nom fort évocateur Burlesgeek). Mieux encore, des éléments de ces événements se retrouvent maintenant dans la culture populaire. «Pensez aux concerts d’artistes comme Lady Gaga», lance Missy en guise d’exemple. «La barre pour présenter quelque chose de vraiment original est maintenant très élevée. Aujourd’hui, une danse lascive sur la trame sonore de Reservoir Dogs ne suffirait plus pour épater les gens!»

Loin de renier la tournée précédente — où deux Girls reprenaient vraiment la fameuse scène de torture du classique de Tarantino! —, la productrice voulait tout de même que Blackheart Burlesque soit aussi surprenant que sexy. D’où l’embauche du danseur Manwe Sauls-Addison (qu’on a vu aux côtés de Beyoncé, Michael Jackson… et Lady Gaga) à titre de chorégraphe et des investissements majeurs en temps et argent du côté des numéros, des costumes, etc. «On a repris l’esprit de notre cabaret pop culture burlesque d’antan… et on a multiplié tous ses aspects par dix!», fait-elle miroiter.

Un modus operandi qui n’est pas sans rappeler celui des autres volets de son empire, d’ailleurs.

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L’âme, l’amélioration et la leçon

La nostalgie? Très peu pour Selena Mooney. «Les galeries photo qui ont fait un tabac sur notre site en 2005, par exemple, ne seraient même pas publiées aujourd’hui», tranche-t-elle lorsqu’on l’invite à commenter sa création. «Si on visionne notre premier film — lancé par nous-mêmes en 2004 — et celui qui est actuellement en diffusion sur la chaîne télé Showtime, on remarque également un bond dans la qualité. Je crois donc que l’esprit et l’âme, sont les mêmes depuis le lancement en 2001. En ce qui me concerne, la seule différence, le seul progrès, en fait, c’est que nous nous sommes grandement améliorées avec le temps!»

Ainsi, Missy Suicide préfère le concret et le progrès aux doutes, autant en ce qui concerne son œuvre que le Blackheart Burlesque (bref, les questions sur les implications féministes du burlesque et de Suicide Girls, tout comme les reproches suscités par d’anciens modèles au fil des années, ont été écartées). Toutefois, elle se dira surtout inspirée par les mannequins participant au portail, voire par ses imitateurs et détracteurs. «Au départ, je voulais seulement faire quelque chose que j’aimais. Cette passion en aura inspiré d’autres, tout simplement. En ce qui me concerne, ce contact privilégié avec ces femmes fortes — qui se sont dévoilées en corps et en mots à moi, mais aussi au monde — m’a inspiré. Grâce à elles, je suis maintenant plus confortable avec mon corps, ma sexualité et ma vie en général.»

En spectacle le samedi 12 avril au Mavericks Bar d’Ottawa, le dimanche 13 au La Tulipe de Montréal et le lundi 14 au Dagobert de Québec.