Elles XXX / Marie-Pier Labrecque : Femmes d’aujourd’hui
Elles ont été associées, plus ou moins à tort, au mouvement Femen. Les comédiennes Marie-Pier Labrecque et Mylène Mackay sont des féministes d’aujourd’hui qui cherchent, dans le spectacle Elles XXX, à comprendre la féminité actuelle et ses obsessions de la performance.
À Montréal, le mouvement Femen est surtout porté par Xenia Chernyshova, une bonne amie de Marie-Pier Labrecque et Mylène Mackay, qui l’ont parfois accompagnée dans ses manifestations seins nus mais qui préfèrent qu’on les définisse comme des «femmes de théâtre». Le spectacle qu’elles s’apprêtent à dévoiler au Théâtre La Chapelle devrait confirmer cela une fois pour toutes. Femen ou pas, elles sont des féministes contemporaines, débarrassées de certains stéréotypes et surtout motivées par un désir de comprendre les paradoxes de la féminité actuelle.
«Le néoféminisme s’embourbe beaucoup dans les catégories, pense Marie-Pier Labrecque. Féminisme de troisième vague, féminisme néocolonial, féminisme queer: les non-initiés peuvent facilement s’y perdre. Et y’a tellement de perceptions péjoratives du féminisme! Ce qui nous intéresse, surtout, avec la compagnie Bye Bye Princesse, c’est d’explorer les codes de l’ancien féminisme pour les déconstruire, les adapter au goût du jour, les décortiquer, à travers un féminisme mixte et un féminisme humaniste, qui décolle des vieux archétypes de la militante en colère contre le patriarcat pour aller davantage vers une réflexion sur la femme d’aujourd’hui, aliénée par son désir de performance et par la pression mise sur elle par une société qui exige la perfection féminine à tous points de vue.»
Dans une conversation avec Marie-Pier Labrecque, le fantôme de Nelly Arcan n’est jamais loin. L’écrivaine représente à merveille le paradoxe de la femme contemporaine, désireuse de correspondre aux diktats d’une société d’hyperconsommation qui impose encore trop souvent aux femmes un modèle inatteignable de perfection physique et intellectuelle, tout en étant consciente de cette malsaine soumission à un idéal impossible. «C’est comme si, pour être une femme, il faut que tu puisses cocher oui dans toutes les cases, correspondre à toutes les exigences imaginables. C’est insensé. Notre spectacle touche évidemment un peu aux questions de la marchandisation du corps, mais s’articule davantage autour d’une réflexion sur l’estime de soi, l’image de soi, le regard des femmes sur elles-mêmes mais aussi à travers le regard de l’homme.»
Leur démarche, interdisciplinaire, s’appuie sur un travail gestuel chorégraphié par Manon Oligny, mais aussi sur un processus documentaire qui les a menées à multiplier les entretiens avec des femmes comme les journalistes Aline Desjardins et Francine Pelletier. «Francine Pelletier nous a parlé de son documentaire sur la fondatrice de Cinar, Micheline Charest, et ça nous inspire un numéro dans le spectacle: la femme qui se masculinise pour être chef d’entreprise.»
Entre parole poétique, discours engagés et explorations de la féminité par le mouvement et par la vidéo, le spectacle promet de brandir de fertiles pistes de réflexion. Et de faire jaser.