Rachid Ouramdane / Loin… : Danse documentaire pour identités démulitpliées
Artiste français dont le travail est incontournable en Europe francophone, mais qui a aussi été beaucoup vu en Turquie et en Angleterre, Rachid Ouramdane amène à Montréal sa danse hachurée qui dévoile des contours identitaires multiples en puisant dans le théâtre documentaire. Son spectacle Loin… est à ne pas manquer au M.A.I jusqu’à samedi.
Le sujet est si fécond, en cette ère de déplacements et de mondialisation, qu’il ne semble jamais s’épuiser. Sur les scènes de théâtre, du moins, ont foisonné récemment les réflexions sur les identités en mutation, dans un monde où l’exil est naturel et où les pays se composent un nouveau visage à travers le pluralisme de ses habitants. Le travail de Rachid Ouramdane, campé entre danse, théâtre et documentaire, est à ranger dans cette catégorie.
Mais ce n’est pas une simple quête de soi, comme on en voit souvent. D’abord soucieux de questionner sa propre identité en refaisant le parcours de son père algérien qui fut engagé pour servir l’armée française en Indochine, il a graduellement inventé un spectacle à partir de nombreux témoignages recueillis là-bas, tissant un parcours dans l’identité de nombreux exilés mais aussi dans des vies tronquées, qui entretiennent avec la mémoire un rapport trouble. Pour se réinventer lorsqu’on a été forcés de quitter sa patrie, on peut choisir de se reconstruire en honorant le passé, mais on peut aussi choisir l’oubli, choisir d’embrasser l’amnésie pour ne pas laisser les fantômes du passé nous fracturer.
C’est peut-être cette grande question – se souvenir ou oublier?- qui a motivé toute la démarche créatrice d’Ouramdane. «Il s’agit finalement de questionner l’idée de la disparition de soi. Les gens que j’ai rencontrés au Vietnam m’ont permis de réfléchir à ce que ça signifiait de voir disparaître les choses, disparaître les gens, de partir et d’être séparé de tout ce qui nous a jusqu’alors constitués. C’est un autoportrait constitué à partir des histoires des autres, mais c’est surtout un voyage dans ce que la mémoire conserve ou rejette d’une identité du passé, d’un héritage en voie de disparition.»
C’est un peu pour cette raison que le danseur, accompagné d’écrans qui projettent des gros plans des visages des gens qui ont témoigné pour lui, se camoufle la plupart du temps la tête dans une capuche ou se présente sous un éclairage clair-obscur. La disparition de soi se conjugue à plusieurs temps, dans la vidéo et dans les sons, mais aussi à l’intérieur même de ce corps qui joue à se révéler partiellement avant de se camoufler à nouveau.
«On est fait de plusieurs couches identitaires, dit-il, mais il y a quelque chose d’indiscernable, d’innommable dans cette construction sédimentaire de soi, que j’essaie de montrer par une gestuelle abstraite qui évoque cette part indicible et intangible de nos identités. Il y a des mots que les gens n’arrivent pas à prononcer, des histoires enfouies qui ne pourront jamais être dites, et je pense que le corps, dans ce spectacle, tente de leur donner une existence matérielle, de les évoquer.»
Créé en 2008, le spectacle fait son dernier tour de piste. Montréal est l’une des dernières villes à ler recevoir.
Les 25 et 26 avril à 20 h
M.A.I (Montréal arts interculturels)
3680, rue Jeanne-Mance