FTA / Meg Stuart / Built to Last : Danse libre sur musique grandiose
Ne cessant pas d’explorer les mécanismes du vivre-ensemble, la chorégraphe américaine Meg Stuart, installée à Bruxelles, sonde la musique classique et l’histoire de la danse dans Built to Last.
La dernière fois qu’elle est venue à Montréal, en 2010, la chorégraphe acclamée Meg Stuart proposait Do Animals Cry, un spectacle grinçant et virevoltant sur la famille. Depuis, elle a pris de nouveaux chemins, notamment dans Violet, une pièce plus abstraite orchestrant des corps en transe. Explorant aujourd’hui le rapport entre le corps et la musique canonique de Beethoven, Xenakis, Dvořák ou Rachmaninov, elle revient à une danse collective qui cherche un espace de communion des âmes, mais elle en profite pour s’interroger sur l’histoire et le devenir de l’humanité.
«Je voulais, dit-elle, prendre cette musique monumentale et explorer la manière dont elle résonne dans le corps quotidien. L’idée étant de traduire en gestes la sensation que procure cette musique grandiose, nous faisant réaliser notre petitesse. J’ai travaillé avec le pianiste Alain Franco, qui a permis d’inscrire ce travail dans une perspective historique: le spectacle propose de prendre la musique comme embrayeur d’un voyage dans l’histoire de l’humanité.»
À partir de Beethoven, alors que les interprètes pénètrent dans une machine à voyager dans le temps, sont explorés différentes époques et différents états. Chaque musique est traduite dans un langage chorégraphique différent, pour un spectacle plutôt éclectique. «On y voit aussi, précise Meg Stuart, comment cette musique a parfois été utilisée à de mauvais desseins. Beethoven composait sa musique dans un esprit de liberté, mais il a ensuite été enseigné de manière élitiste: on en a fait quelque chose d’inaccessible alors que c’était destiné à être tout le contraire. On essaie donc de traiter Beethoven comme une musique qui nous appartient, à partir de laquelle on peut bouger librement.»
C’est surtout une musique qui rassemble les hommes autour d’un certain idéal. La chorégraphie est ainsi divisée entre unisson et individualité, à l’image des sociétés humaines qui ont graduellement abandonné les utopies collectivistes pour se replier sur les droits individuels. «Les idéologies ont échoué, s’attriste la chorégraphe, mais je pense qu’une certaine force nous unit, et cette musique puissante qui a traversé les époques en témoigne. Bien sûr, il y a des moments dans le spectacle où on observe cela avec ironie. Notre époque est désenchantée, je le suis aussi, mais j’essaie de garder espoir.»
Tout en explorant le passé, la chorégraphie porte aussi en elle des questions sur le futur. En fréquentant l’histoire, les interprètes sont en quelque sorte à la recherche d’un monde neuf, malgré le fait que la planète soit menacée d’extinction par la faute des hommes. «L’avenir est incertain, et on a travaillé avec des objets rétro-futuristes pour évoquer l’idée d’un futur possible mais déjà vieilli. En ces objets se conjuguent des antagonismes: on est à la fois dans le romantisme et dans le pessimisme.»
L’histoire de la danse parcourt aussi ce spectacle, en puisant dans le langage chorégraphique de plusieurs artistes, dans un jeu de références et d’hommage libre. Une démarche inattendue de la part de Meg Stuart, qui s’en dit elle-même fort étonnée.
Les 28 et 29 mai à l’Usine C; Dans le cadre du Festival TransAmériques (FTA) fta.qc.ca