FTA / Christian Rizzo / D'après une histoire vraie : Appartenir à la communauté des hommes
Festival TransAmériques 2014

FTA / Christian Rizzo / D’après une histoire vraie : Appartenir à la communauté des hommes

Difficile à croire: le chorégraphe français Christian Rizzo, hautement célébré dans l’Hexagone, n’a encore jamais présenté un spectacle à Montréal. Le FTA l’invite à propager sa danse masculine inspirée de traditions méditerranéennes et portée par un désir d’unisson.

Dans D’après une histoire vraie, la scène est presque vide, mais à l’arrière-plan se remarque l’imposante batterie: les pulsations du tambour serviront d’impulsion à un mouvement collectif, à la fois tendre et viril. Dans le coin droit, une plante, déposée sur un linoleum grisâtre, éclairée par une lumière discrète. C’est dans cette scénographie minimaliste mais fort organique que débarqueront quelques danseurs rapidement emportés par une danse d’inspiration folklorique mais délicatement contemporanéisée. Une manière pour le chorégraphe de questionner le rapport entre danse populaire et danse contemporaine, réputée élitiste, mais aussi de sonder la masculinité et la notion de collectivité, ou de vivre-ensemble. Quand ces hommes dansent à l’unisson, une communauté soudainement apparaît, parfois fracturée par des duos et des solos, mais toujours prégnante.

«Je n’ai pas vraiment fait de recherches sur les danses traditionnelles, confesse Christian Rizzo. Mon travail est instinctif; je cherche à restituer le souvenir de danses masculines du bassin méditerranéen que j’ai jadis observées avec fascination. À partir de cette quête, on a travaillé des mouvements simples qu’on peut trouver dans une multitude de danses, comme taper du pied, lever les bras, taper des mains, faire des rondes, travailler la danse en ligne, le square dance. Il s’agit de questionner ce qu’on appelle le «populaire». J’ai toujours détesté la scission que l’on fait naturellement entre danse populaire et danse savante. C’est de la foutaise, il n’y a pas de danse du peuple ou de danse de l’élite : il n’y a que des pratiques.»

Convoquer la danse folklorique, c’est aussi invoquer l’histoire. Par là se déploient des questions sur la modernité, sur notre rapport au passé, en tant que communauté humaine de plus en plus happée par l’individualisme, «On ne peut accepter la modernité sans assumer l’archaïsme sur laquelle elle se fonde, explique le chorégraphe. Pour comprendre le présent, il faut observer l’obscurité qu’il y a devant et celle qu’il y a derrière. Dans ces danse primales, qui ont traversé le temps, se lit l’appétit de l’homme pour la communauté, malgré les difficultés que cela pose.»

On pourra aussi lire dans ce spectacle, selon les sensibilités, une métaphore de la construction du groupe, lequel s’érige par «l’union des singularités», à travers une certaine «solidarité», qui vient idéalement de la «base humaine», pas d’une «force supérieure» ou d’une «autorité extérieure». «C’est important de ne pas oublier que nous sommes les seuls créateurs des communautés auxquelles on peut se sentir appartenir, dit Christian Rizzo, car autrement c’est du marketing, du nivellement par le bas, des dictatures et des dérapages autoritaires qui n’ont jamais rien donné de bon.»

Mais pourquoi seulement des hommes sur scène, alors que les communautés qu’ils évoquent sont clairement mixtes et variées? «C’est une question que je me suis posée a moi-même, se souvient Rizzo, en tant qu’homme qui n’est pas sportif et qui n’a jamais appartenu a des communautés d’hommes autour du sport. Dans ma région natale, le rugby rassemble les hommes dans une grande émulation, dans un climat de solidarité et de compétitivité que je trouve tout de même élégant et inspirant. Je voulais aussi montrer qu’il est possible d’être entre hommes avec égards, tendresse et complicité en dehors des toute connotation homosexuelle, à vrai dire en évitant la masculinité virile stéréotypées tout comme les clichés gais.» 

Christian Rizzo n’est pas satisfait de l’image que notre société projette du masculin, de la collectivité et du populaire. Il propose rien de moins que de les réinventer.  

Les 30 et 31 mai au Théâtre Jean Duceppe dans le cadre du Festival TransAmériques