FTA / Le NoShow : Autopsie d’un théâtre pauvre
Prenant la forme d’une assemblée générale annuelle qui dérape vers le spectacle documentaire et l’autofiction, le NoShow détruit le mythe de l’artiste grassement subventionné et questionne la valeur de l’art en interagissant avec les spectateurs. Intelligente manière de commencer le festival TransAmériques.
Le FTA devait s’ouvrir sur Helen Lawrence, le seul spectacle du Canada anglais dans la programmation. Œuvre protéiforme de Stan Douglas, mêlant cinéma et théâtre de manière semble-t-il prodigieuse, la pièce a été annulée à cause d’un conflit syndical. Ironie du sort, le NoShow s’ouvre sur une prétendue «grève tournante» des acteurs, lesquels refusent de travailler sans être payés le salaire minimum (ce qui est déjà trop peu) et invitent les spectateurs à choisir lesquels parmi eux pourront performer et lesquels quitteront la scène. Car le montant d’argent amassé ce soir-là à la billetterie n’est pas suffisant pour payer les 7 comédiens réunis par le metteur en scène Alexandre Fecteau.
Au préalable, le spectateur aura été invité à payer le montant de son choix pour sa place, de 0 à 123$. Combien vaut un spectacle de théâtre? Au NoShow, c’est vous qui décidez. Mais vos choix seront lourds de conséquences. Une fois les dépenses soustraites du montant total, et après avoir passé le chapeau dans une salle assaillie par la culpabilité, seulement 4 des 7 comédiens ont pu jouer le spectacle hier soir. On a retrouvé les 3 autres sur vidéo et pu les observer manifester dans la rue avec pancartes et crécelles. Faut-il que les acteurs fassent la grève et bloquent des ponts pour que leur art soit enfin reconnu à sa juste valeur? La question est posée avec fracas.
Disposés derrière une longue table, les comédiens nous invitent à leur assemblée générale annuelle, où les points à l’ordre du jour s’enchaînent et vont rapidement permettre des numéros d’acteurs qui fraient autant avec la prise de parole engagée qu’avec la confession intimiste. Dictant l’ordre des numéros, mettant en relief de manière ludique et structurante le fait que les artistes soient de plus en plus forcés de jouer aux administrateurs, la formule est efficace, bien que redondante et rapidement épuisée. On y réaffirme les idées, désormais bien connues, que les projets artistiques souffrent de l’obsession de l’administration et de la rentabilité, ou que l’art cède doucement la place au travail comptable.
Au coeur de la pièce se trouve ainsi la question de la répartition de l’argent dans une production, dont la troupe fait une démonstration éloquente, montrant les besoins criants de financement, dénonçant l’absurdité de croire que les revenus de billetterie ou revenus autonomes puissent pallier au sous-financement, et décortiquant les imposantes et inévitables dépenses non reliées àla création. Le soir de la première, 229 spectateurs ont déboursé au total 4 299$, une moyenne de 18,77$ par personne. Mais une fois soustraits les investissements, les frais de voyage, le salaire des techniciens, les frais de billetterie, il n’est resté que 640$ pour payer les acteurs. C’est ce qu’on appelle le choc de la réalité.
Peu subventionnés, les compagnies DuBunker et Nous sommes ici doivent rivaliser d’inventivité et de travail bénévole pour arriver à leurs fins. Sans enfoncer indéfiniment le clou du sous-financement par l’état, la troupe soulignera l’hypocrisie d’une société dans laquelle tout le monde ferme les yeux devant les gracieuses subventions accordées aux multinationales et s’indigne des minuscules subsides accordés aux artistes. Pourquoi le théâtre subit à ce point les foudres du peuple alors que l’argent qu’on lui accorde est minime et que les conditions dans lesquelles il se construit sont pitoyables? La question demeurera sans réponse.
Le NoShow est aussi une forme d’autofiction interactive: les acteurs puisent dans leur vécu, se dévoilent, se posant comme les personnalités emblématiques d’une situation économique insoutenable. Le spectacle tisse son propos à partir de tranches de vie, de réflexions très personnelles, d’observations parfois amusées parfois viscérales. Dans ce jeu, où le plaisir du spectateur est de démêler la réalité de la fiction et de faire des parallèles avec sa propre perception du milieu artistique, parfois les trémolos sont trop appuyés, rendant par moments le spectacle un peu plaignard (ce que la troupe disait vouloir éviter). C’est néanmoins une excellente manière d’ancrer le propos dans le réel et de donner un visage aux statistiques Et soyons honnêtes, les angles de traitement, souvent ludiques et décalés, font la plupart du temps de ce spectacle une affaire festive et communicative. Car vaut mieux en rire que d’en pleurer.
Les anecdotes demeurent par contre assez lisses. On se doute que la situation réelle de plusieurs de ces artistes est en réalité plus dérangeante que ce qu’on nous laisse voir: or l’autofiction ne crée pas l’effet escompté lorsqu’elle est ainsi édulcorée. Sans trop dépasser les limites du bon goût dans l’exposition de soi, le spectacle ne réussit trop souvent qu’à réaffirmer des vérités déjà amplement connues, sans trouver de nouvel angle pour les aborder. Le propos n’en est pas moins nécessaire, essentiel, mais par moments il aurait gagné à être présenté sous de nouveaux angles ou de manière plus radicale. Puisque la situation des acteurs est trop souvent calamiteuse, il n’aurait pas été inopportun que le spectacle le soit aussi et qu’il déjoue un peu les convenances, histoire de porter le flambeau de manière plus saisissante, plus crue, plus radicale. La situation le commande.
On aura tout de même compris la précarité de l’artiste et le manque de considération pour l’art à travers des numéros très variés: plaidoyer pour l’intermittence du spectacle selon le modèle français par le comédien Julien Storini; auditions dégradantes évoquées dans un numéro de Francesca Barcenas; boulots complémentaires pas toujours politiquement corrects avec Hubert Lemire et développement de public à travers une performance de François Bernier d’après la pièce L’Affiche de Philippe Ducros.
Également teinté d’improvisations, le spectacle est différent chaque soir, selon les acteurs choisis par le public et les montants amassés à la billetterie.
Je suis en désaccord. Cette pièce (qui n’était pas une) nous demande de payer pour des gens qui de plaignent de leur métier & du salaire venant avec, tout en défaisant les mythes des acteurs. Alors, tu l’aimes ou tu l’aimes pas ton travail…? Ne proposez pas au public de payer 0$ (en soutenant que l’on donne ce que l’on croit que le show mérite, avant de l’avoir même vu…) si c’est pour le faire sentir coupable après en faisant la quête comme à
L’Église… Ridicules et inintéressants, ces « acteurs » essayent de faire pitié et par de piètres tours, (comme cette grève plus ou moins crédible) nous amadouer et nous soutirer de l’argent. Pour finir par un beau gaspillage de guimauve en bout de ligne. J’adore le théâtre, mais ceci n’était qu’une manifestation déguisée et je ne crois pas que ceci puisse se faire appeler « Art ».
J’aimerais rajouter Katherine, que la publicité cachée de NutraFruit ne faisait qu’ajouter au non-professionnalisme de la pièce. Personne n’aime les pubs, si au théâtre ils se mettent à nous gaver, alors non.
1/5
J’ai beaucoup aimé cette pièce qui, selon moi, est vraiment de l’art. L’art qui fait réfléchir est mon art préféré. On le sait que le gouvernement n’injecte pas beaucoup d’argent dans ce qui peut faire réfléchir le peuple… c’est trop dangereux… Mais on ne sait pas à quel point les acteurs sont souvent sous-rémunérés. Avec cette pièce on le comprend, par des anecdotes qui font rire et même parfois qui nous rendent triste. Ces acteurs ne se plaignent pas de leur métier, au contraire, ils se plaignent de la non-reconnaissance de leur talent. C’est ça le gros de l’histoire. Mais je suis d’accord qu’il y a un petit bémol… Faire sentir cheap le public alors qu’on lui laisse un choix du montant à payer, c’est pas super cool… Les acteurs ne sont pas les seuls a être sous-payés, donc ça se peut que si on nous laisse le choix de payer moins cher pour aller voir une pièce de théâtre, on saute sur l’occasion, parce qu’on ne roule pas sur l’or nous non plus ;)
Les acteurs exigeaient 200 $ chacun pour rester sur scène. Mon 20 $ que je voulais donner au guichet a été refusé, car il ne cadrait pas dans leur structure tarifaire : j’ai dû mettre le 4 $ de plus dans le chapeau. Je n’ai pas aimé le gaspillage des guimauves, mais ce n’était pas un spectacle en tant que tel : pas de programme, pas de salutations à la fin.
Je n’oublierai jamais ces ventes de boîtes de chocolat à la fin de certaines pièces de théâtre annoncées au tarif de la Carte Prem1ères : ces artistes tentaient de rentabiliser leur spectacle de cette façon désespérée. Il y avait aussi ce chorégraphe frustré parce qu’il n’avait pas eu sa subvention du gouvernement : il haranguait son public, à ce sujet, avant le début du spectacle. Exaspéré, je lui avais demandé s’il fallait que j’appelle mon député pour sa subvention. La lumière apparaît maintenant au bout du tunnel : une élection fédérale l’année prochaine. Les Libéraux ne feront sûrement pas pire que les Conservateurs.