Daniel Grenier / Zoofest : Du rose au noir
Il a 41 ans et observe la vie avec les yeux d’un enfant (un peu troublé) de 8 ans. Daniel Grenier monte pour la première fois sur scène sans les Chick’n Swell, et avec ses crayons de couleur, dans Daniel Grenier en Prismacolor.
L’entrevue dure depuis une vingtaine de minutes sans que jamais le délirant enthousiasme ni la pétulante énergie de l’enfant qui vient de se gaver de friandises ne diminuent d’un iota au bout du fil. Du classique Daniel Grenier. L’ex-Chick’n Swell, ludique moulin à paroles, jase comme on gambade sur un arc-en-ciel, sans cesse au paroxysme de l’émerveillement. Au point où l’auteur de ces lignes en vient à se demander si l’attitude qu’affiche Grenier sur scène et dans les médias n’est pas une grosse blague élaborée, un vaste commentaire ironique sur la notion de sincérité. La carrière de Daniel Grenier serait-elle en fait un immense projet d’art performance?
Le principal intéressé trouve, comme de raison, notre petite théorie parano absolument hi-la-ran-te. «Il y a tellement de monde qui pense ça. Même des amis relativement proches. Ceux qui me connaissent très bien savent que je suis réellement sincère, mais il y en a beaucoup qui pensent que je les niaise. Hier soir, j’étais avec un bon ami, un gars avec qui je collabore sur un nouveau projet, mais que je ne connais que depuis un an. Il me racontait quelque chose de drôle et je riais, je riais, je riais. Il s’est mis à penser que je riais de lui. Ben non, je suis juste content parce que tu es content. Tu es excité de me raconter quelque chose et je partage ton bonheur.»
C’est ce fossé entre son éternel sens de l’enchantement et la maturité que suppose son âge, 41 ans, que Daniel Grenier transforme en creuset comique dans J’ai un poussin sur la tête, premier album solo de chansons absurdes dans lequel il pigera allégrement lors de sa série de spectacles au Zoofest (Grenier a déjà fait paraître deux albums de chansons presque sérieuses avec le groupe Les Guerriers de la lumière et deux autres avec les Chick).
Exemple? Prenez Le drummer de KISS, étrange ritournelle dans laquelle le Victoriavillois se pose la question que tous les adolescents abrutis à la marijuana se sont déjà posée: « Ben voyons, pourquoi le drummer de KISS se maquille en chat? » «Ce qui est vraiment absurde, c’est que ce soit un gars dans la quarantaine qui la chante, cette toune-là, analyse son auteur. C’est ça qui est « fucké ». Un gars de 17 ans chanterait ça et on dirait « Ouain… », mais un gars comme moi qui n’est plus un enfant depuis longtemps, ça c’est absurde.»
Naïf et trash
De quoi sera fait Daniel Grenier en Prismacolor? De chansons, d’observations à l’emporte-pièce (c’est le plus près du stand-up classique qu’il s’approchera) et d’accessoires bon marché. Très bon marché. «Je suis resté 45 minutes dans un Dollarama la semaine dernière. Je « brainstormais ». Avec les Chick, à la fin, on faisait des gros sketches full budget. Je m’ennuyais de tenter de créer un effet monstre avec rien, comme au début. Je suis allé au Walmart et j’ai vu une perruche en plastique sur laquelle était écrit: « Le meilleur animal au monde ». Je l’ai achetée, et dans le spectacle je tire dessus.»
Un sketch qui ne manque pas de séduire les tonitruants fans de Mike Ward, en première partie de qui Grenier officie ces jours-ci. Curieuse paire, non? «Ça marche étonnamment bien. Mike est trash et rock, moi je suis trash et naïf. Tirer une perruche sur la scène, même si c’est naïf, c’est trash.»
N’y a-t-il pas, après tout, un crayon rose nanane et un crayon noir dans une boîte Prismacolor?
Daniel Grenier en Prismacolor: le 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 19, 27, 28, 30 juillet à 20h30 aux Katacombes, à l’occasion de Zoofest zoofest.com