Sister Act: de peine et de misère
Chaque été montréalais amène sa comédie musicale mise en scène par Denise Filiatrault sur le modèle Broadway et produite par Juste pour rire. Sister Act, d’après le célèbre film, est une production joyeuse mais fade et éculée.
On connaît la recette Filiatrault. Elle monte des musicals hyper-connus et ses mises en scène, peu originales, sont construites par picorage ici et là, puisant ses idées dans les spectacles existants, à Broadway ou ailleurs. Ainsi, on reconnaîtra dans les décors et costumes une esthétique empruntée à la production de Sister Act qui a sillonné le monde, de New York à Londres en passant par la France, mais on y retrouvera aussi sensiblement les mêmes chorégraphies et déplacements. Pas nécessaire de réinventer une formule gagnante, me direz-vous. Le problème est que dans ce cas-ci, le travail de copier-coller est fait sans grande passion et dans un certain manque de rythme, parfois même de manière assez statique. On est loin de la ferveur avec laquelle Filiatrault avait reconstitué Hairspray l’an dernier. On reconnaît aussi ici et là dans Sister Act des éléments empruntés directement au film – ce serait intéressant s’il y avait citation assumée – mais le spectacle demeure au ras-des-paquerettes, dans une tonalité plutôt candide.
Heureusement que le texte de Glenn Slater, traduit en France par Nicolas Nebot et Ludovic-Alexandre Vidal, offre de savoureux moments de répartie. Chez les nonnes, l’humour est caustique et incisif. Le spectacle est particulièrement rehaussé par les répliques fielleuses de la Mère supérieure (très alerte Linda Sorgini, qui s’en tire par ailleurs très bien dans ses performances vocales).
Ça compense pour la tiédeur de la trame sonore, ici bien différente de celle qui fut popularisée par le film de 1992. Moins portées sur le disco et la soul, plus volontiers habitées de mélancolie, les chansons de la comédie musicale s’étirent et ratent souvent leur cible. Ceux qui pensent entendre My god (my guy) ou I will follow him, ou du moins en retrouver l’esprit, seront invariablement déçus. Il y a pourtant un orchestre de 7 musiciens, caché sous la scène, mais la musique n’est en rien vibratoire et peine presque à se faire entendre.
Restent quelques plaisirs, ceux-là même que procuraient le long métrage mettant en vedette Whoopi Goldberg. Quand Dolores (très inégale Dayane Ntibarikure) débarque au couvent et qu’elle prend en charge la chorale, elle se lie d’amitié avec des religieuses qui sont toutes ici campées avec justesse et dont les personnalités caricaturales insufflent un souffle comique à la production. Des actrices d’expérience se cachent d’ailleurs sous les voiles. Dorothée Berryman, dans le rôle de la nonne confuse à la personnalité aérienne, démontre un sens du comique qu’on lui connaît moins, alors que France Castel use de sa bonhomie habituelle pour attendrir la foule.
En tête d’affiche, de retour sur scène après une vingtaine d’année d’absence, Normand Brathwaite interprète le tenancier de bar et bandit médiocre sans conviction, chantant d’une voix fatiguée des morceaux qui manquent de vigueur. Du côté de la distribution masculine, c’est encore une fois Gardy Fury qui vole la vedette avec sa voix toujours juste, son pas de danse hyper précis et sa forte présence. Un véritable acteur de comédie musicale, qui possède toute les qualités exigées par ce registre scénique. Au Québec, ils sont rares (ou profondément méconnus).
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Jusqu’au 2 août 2014 au Théâtre St-Denis