La bombe futile et sublime de Fred Dubé : Terroriste blanc d’amérique
Avec Terroriste Blanc d’Amérique, Fred Dubé se taille une place comme humoriste incorruptible et brillant. Que va-t-il faire avec ce titre?
Il est excessivement difficile d’écrire une critique du spectacle de Fred Dubé que Fred Dubé n’ait pas déjà anticipé. Le jeune homme est brillant. Il le sait. On le sait. Il l’illustre avec brio et humour dans son spectacle Terroriste blanc d’Amérique, qui est présentement en représentation au Zoofest, et dans lequel il appelle à la révolution populaire, à l’indépendance du Québec et au bombardement de Washington (si j’ai bien compris), pour arriver à une société plus juste pour les peuples.
Il sait très bien qu’un critique de spectacle se devra d’écrire que, pour contrebalancer ses longues et incessantes diatribes parfaitement construites à l’endroit de Stephen Harper, du FMI, de nos partis politiques et autres, il se lance dans des mimiques qu’il maîtrise tout autant. Pour illustrer le fait qu’il est inconcevable de comprendre l’étendue du vol des grandes banques mondiales, il fait des bruits d’animaux. Pour rigoler du fait qu’il sait qu’il se barre quelques portes en discutant des scandales de Gilbert Rozon, il chantonne l’air si populaire de Juste Pour Rire. Et il simule une sodomie improvisée, peut-être bien dans le même sketch.
Il le sait, tout ça.
Il faut préciser ici que Fred Dubé a déjà présenté ce spectacle au Zoofest l’année passée. Il en connaît donc probablement par cœur les points forts et les points faibles selon le public. Il sait quand une «blague» apportera de l’applaudissement, et quand un autre point un peu plus radical nourrira une réflexion plus silencieuse d’un public se demandant si on a affaire à un humoriste qui compte éventuellement animer le show du matin avec trois autres comiques signés par une agence, si c’est un intellectuel qui veut nous ouvrir l’esprit, un zelé qui veut nous convertir à une quelconque cause politique (il joue effectivement ce rôle vers la fin du spectacle) ou un jeune adepte de Louis C.K et Bill Hicks qui sort tout son arsenal face à…quoi? Qui dans la salle s’opposerait aux idées critiques mais ô combien justes de Dubé? Je l’ignore.
Ce qui est bien, avec Terroriste Blanc d’Amérique, c’est qu’effectivement, dans le but d’inspirer la terreur hilare, Fred Dubé sort tout: il va discuter d’indépendance du Québec, de Stephen Harper, de nos trois partis aux idées uniques, de la concentration de nos médias, de Gilbert Rozon et de Richard Martineau. À la fin du spectacle, il a tout lancé, sachant très bien que ses armes ne créeront même pas une petite craque dans la façade rigide de cette société dominée par le néo-libéralisme, cet ennemi intangible auquel l’humoriste revient toujours.
Mais c’est pour ça que je l’aime. Parce qu’il sort la mitraillette, ensuite le Uzi, ensuite les deux 9mm, ensuite toutes les grenades à sa disposition. Moi, les gens qui se battent avec l’énergie du désespoir, comme si c’était la fin du monde, ça me plait.
Ça, c’est Terroriste Blanc d’Amérique.
N’ayant pas abattu son ennemi, il va réattaquer avec L’ignorance fait plus de victimes que le cancer, en présentation au Zoofest cette année.
Une fois qu’il a vu que son ennemi n’est pas tombé après cet assaut verbal, va-t-il lui donner un câlin ou prendre un couteau de Rambo intellectuel et tenter de le tailler en pièces? Hâte de voir ça. Ce sera zen ou ce sera particulièrement violent.
J’ai très hâte.
Terroriste blanc d’Amérique: 15-16 juillet au Théâtre Sainte-Catherine.
L’ignorance fait plus de victimes que le cancer: du 29 juillet au 2 août au Théâtre Sainte-Catherine.