Charles Beauchesne au Zoofest : Bienvenue dans son cauchemar
L’humoriste élancé et sombre prouve qu’une imagination débridée peut être une maladie délicieusement contagieuse.
Le spectacle que l’humoriste Charles Beauchesne présente au Zoofest est savamment construit, et tout aussi savamment titré: Bienvenue dans mon cauchemar. Le jeune homme, chauve, maigre et élancé, aux yeux grand ouverts, vous guide à travers un univers riche et méticuleux, aux recoins polis et tout également réfléchis.
Dans ce monde de fausses promesses trop récurrentes, il est particulièrement agréable de voir un humoriste livrer sur la sienne, aussi arrogante puisse-t-elle paraître. En début de spectacle, après avoir joué avec une marionnette maladroitement hitlérienne, Charles Beauchesne se place en parallèle à une population générale intéressée par les conversations sur le golf et la température. L’imagination débridée, avance-t-il, est beaucoup plus amusante.
Après cette prémisse ambitieuse, reflétant le nom de son spectacle, Charles Beauchesne livre: en guide verbomoteur et entraîné, il nous dirige vers différents tableaux qui rappellent les univers sombres et surréalistes de Tim Burton, Dali, David Lynch, Allan Poe et autres maîtres du sombre. D’une Lady Gaga pendant comme une araignée au-dessus de son lit, aux Vikings créant le concept du fantôme, en passant par ses anecdotes personnelles particulièrement humiliantes, le jeune créateur passe tout à travers un tordeur verbal qui construit une chaîne méticuleuse et amusante de délires bien livrés. En poussant son imagination à ses limites, Beauchesne rejoint celle de son public, qu’il stimule, éveille et ravit.
Comme un guide trop fier de sa route, Beauchesne prend quelques pauses planifiées, peut-être pour reprendre son souffle après une escalade qui a mené à des cris stridents qui étaient quelque peu désagréables dans la petite scène du Théâtre Sainte-Catherine, mais plus probablement pour permettre à son public d’applaudir. En tant qu’anticonformiste, c’est son seul pêché, son seul conformisme: dans la forme, il hérite quand même des techniques modernes de l’industrie de l’humour où les longues diatribes endiablées doivent immédiatement être applaudies par une foule qui tient à souligner l’accomplissement ne serait-ce que technique d’un long monologue raconté rapidement.
L’égo de Charles Beauchesne en a probablement encore besoin, considérant la nature ingrate du métier d’humoriste qu’on considère encore de la relève. J’ose espérer que, lorsqu’il aura saisi assez justement la valeur de son talent, il n’aura plus le besoin de regarder par la bande, feignant l’indifférence, pour voir si un applaudissement nourri suivra.
L’égo. En racontant les anecdotes humiliantes de son travail dégradant en tant que lutin de centre d’achat devant des enfants cruels, ou bien ses mésaventures érotiques avec des mastodontes rencontrées sur des sites de rencontre, Beauchesne se met à nu (pas littéralement, n’est-ce pas), nous annonçant fièrement qu’il ne se réveillera probablement jamais de ce cauchemar, que ce cauchemar, c’est chez lui. À voir la file imposante au début de son spectacle, à entendre les rires nourris de spectateurs charmés par des tableaux d’une richesse relativement inégalée, il est fort à parier que le guide angoissé de cet univers n’aura plus à traverser les corridors absurdes et imposants de son imagination tout seul.
Dans les prochaines années, il sera intéressant de voir l’influence que peut avoir un public réel et nombreux sur un monde aussi savamment orchestré. Le cauchemar de Beauchesne sera-t-il un musée ou un manège?
Charles Beauchesne présente: Bienvenue dans mon cauchemar, au Théâtre Sainte-Catherine, 29 juillet.