Mon beau-père est une princesse: de l’art du revirement
Huis-clos familial bouleversé par des tensions sexuelles inattendues, la comédie parisienne Mon beau-père est une princesse, adapté et mis en scène par Michel Poirier au Théâtre Beaumont-St-Michel, repose avant tout sur des revirements de situation, des inversions de rôle et sur un humour physique bien mené, mais pas nécessairement sur des dialogues comiques de haut niveau.
Bienvenue dans la maison de campagne de Maude (Marie-Evelyne Baribeau) et Rémi (Vincent Champoux), où s’inviteront bientôt des jeux amoureux très inattendus. Les parents de Maude débarquent pour un weekend de détente qui, finalement, ne sera pas de tout repos. Quand Rémi multiplie les flagorneries devant son beau-père récemment écorché par la vente de son usine (Jean Asselin, très en forme), on se dit qu’il ne s’agit que d’un beau-fils servile et profiteur désirant sans doute lui soutirer son bien. Que nenni! «Je suis amoureux de vous», lance-t-il tout de go, causant chez Michel un malaise bien mal dissimulé. Homme droit, aux moeurs bien conservatrices, le beau-père rejette violemment les avances de son beau-fils. Jusqu’à ce qu’un baiser ébranle ses convictions et provoque une radicale inversion des rôles.
De l’autre côté du spectre, Maude et sa mère (exquise Johanne Fontaine) réagissent chacun à leur manière aux jeux amoureux de leurs maris. La fille est une adepte extrême de la psycho-pop et voit la vie en forme de fable moralisatrice et bien-pensante. Sa mère, qu’elle déteste visiblement plus que l’adultère de son mari, est tout le contraire: une ex-hippie en manque de sexe, frustrée d’être mal-baisée mais toujours aussi libre d’esprit et aussi concupiscente qu’aux beaux jours de sa jeunesse.
Tout cela va donner lieu à des confrontations d’idées explosives, bien qu’hyper-stéréotypées. Les premières scènes entre Rémi et son beau-père font d’ailleurs craindre un humour bas de gamme reposant uniquement sur de vieilles blagues éculées sur l’homosexualité et l’homophobie. On craint que la pièce reste à cette exploration réductrice de l’identité sexuelle; que le dialogue stagne au niveau des clichés de la masculinité et à l’échelle d’une hétéronormativité s’exprimant dans sa forme la plus vulgaire. Mais rapidement, lorsque survient l’inversion des rôles, la pièce quitte ce registre peu prometteur pour adopter un humour physique de bon ton: les deux hommes dansent le tango, d’abord laborieusement, cul serré, puis dans un étonnant lâcher-prise qui provoque évidemment l’hilarité de la salle.
Jean Asselin, figure connue des amateurs de théâtre corporel (il a fondé la compagnie de mime Omnibus), s’illustre particulièrement dans ces scènes physiques mais colore toute son interprétation de son jeu corporel très maîtrisé: son corps droit et tendu sera graduellement libéré, à l’image de la progression de son personnage vers un lâcher-prise dont on ne l’aurait pas soupçonné capable.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que cette pièce ne repose pas sur le mensonge et les jeux de dissimulation, comme souvent dans le registre comique. Étrangement les vérités éclatent très rapidement et permettent à l’action d’emprunter des chemins inattendus. Plus les couples se défont et se recomposent, plus la pièce explore aussi un filon politique en croisant les perspectives socioéconomiques des uns et des autres, faisant craquer l’image de bonne âme gauchiste solidaire de la fille pour révéler des idées progressistes inattendues chez son droitiste de père. Sont explorés, avec un ton bon enfant, les clivages gauche-droite mais aussi l’hypocrisie d’un certain militantisme de la gauche-caviar. Les dialogues sont alors peu subtils et ne constituent pas non plus des sommets de répartie qui déclencheraient un rire puissant. Mais l’intrigue est bien nouée.
La pièce se terminera d’ailleurs dans une Afrique de pacotille, dans un happy end qu’on n’avait pas vu venir!
Un divertissement de qualité, en tous points correct dans son genre, et bonifié par les croisements qui s’y opèrent entre la vie conjugale et le rapport à la chose politique. Le tout sans grande prétention, dans la bonne humeur.
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Mon beau-père est une princesse est à l’affiche du Théâtre Beaumont-St-Michel jusqu’au 30 août