Napoléon voyage: Touriste ou voyageur?
Jean-Philippe Lehoux a fait du tourisme le sujet d’une œuvre théâtrale à la fois ludique et critique, où il ausculte l’obsession contemporaine de la mobilité et du dépaysement. Dans Napoléon voyage, son premier spectacle solo, il enfile les anecdotes de voyage avec ludisme et légèreté, entre stand-up comique et récit spontané.
Le sujet est vaste. C’est la raison pour laquelle Jean-Philippe Lehoux ne cesse de le décliner, dans tous ses plis et replis, dans une série de pièces tour à tour caustiques (Comment je suis devenue touriste) ou plus formalistes (L’écolière de Tokyo). Chaque fois, Lehoux s’amuse à faire cohabiter deux visions du voyage, opposant avec beaucoup d’autodérision la posture du voyageur responsable et impliqué à celle du touriste traditionnel qui réclame son confort et son conformisme partout où il pose les pieds. La vérité du voyage se trouve sans doute quelque part entre les deux, ce que Lehoux tente d’atteindre en sublimant au théâtre ses nombreuses expériences vécues de par le vaste monde.
Mais dans Napoélon voyage, un spectacle léger qu’il a écrit sans trop s’embarrasser de structure, il obéit à son plaisir brut de remémoration et aux diktats du récit que l’on se plaît à raconter aux amis curieux, sans prétention. Assumant son statut de touriste, avec tout ce que cela comporte de naïveté et de stupidité, mais pestant contre le comportement d’autres Occidentaux caricaturaux (qui font du voyage une course contre la montre), le personnage n’est pas à un paradoxe près.
Du tourisme de guerre d’un vingtenaire ignare et mal habilé jusqu’à la plénitude ressentie au contact de chaleureux Syriens, en passant par une fascination pour le Japon et ses mille merveilles, le spectacle fait voir du pays mais ne néglige pas les revers. Solitude, maladresses et malaises sont au menu des récits torsadés et souvent rigolos du voyageur indomptable, dans un quasi-monologue qui ratisse large et qui, souvent, raconte le plaisir de la rencontre à l’aide de puissantes images.
Le spectacle est cousu de spontanéité et de complicité avec le musicien Bertrand Lemoyne, et tissé d’allers-retours entre les anecdotes syriennes et japonaises, en passant par la Bosnie-Herzégovine. D’une ellipse à l’autre, et de digressions en digressions, la parole de Lehoux s’arrime aux aléas de la mémoire et aux nécessités d’un récit qui se veut croustillant ou émouvant selon les cas. Le parcours est accidenté (comme tout bon voyage, d’ailleurs), mais il trouve étrangement sa cohérence dans le chaos et la sinuosité.
Si le caractère anecdotique du spectacle le rapproche un peu trop du ton du stand-up comique et ne lui permet pas toujours de toucher l’universel, on y passe un moment divertissant tout en rêvant, inévitablement, à notre prochaine destination.
[voir_etoile cote=3]
Napoléon voyage (où Napoléon est remplacé par un inconnu qui n’a jamais voulu tuer de Prussiens) est à l’affiche de la Petite Licorne jusqu’au 12 septembre