Véronique Côté : Et la lumière fut!
Elle est comédienne, auteure et metteure en scène, connue sur les scènes de Québec comme de Montréal, où on la verra ou entendra trois fois plutôt qu’une cet automne dans les pièces Faire l’amour, Photosensibles et Attentat. Dans les trois cas, Véronique Côté fait jaillir la lumière là où on ne l’espérait plus.
Quand le monde dérive, elle résiste en souriant. Dans la plupart de ses récents spectacles, où elle est de moins en moins seulement interprète et de plus en plus auteure, metteure en scène et idéatrice, la comédienne Véronique Côté affirme un parti-pris pour un théâtre qui souligne la beauté du monde même quand ce monde s’écroule. Non qu’elle ignore les inégalités sociales, l’analphabétisme ou une certaine montée de la droite qui l’inquiète particulièrement, mais elle refuse net de se laisser assombrir. Résultat? Un théâtre lucide, inquiet, mais jamais pessimiste et toujours auréolé de lumière.
«Plus c’est sombre, dit-elle, et plus je veux garrocher de la lumière. C’est très instinctif chez moi. C’est ma manière de résister à la chape de plomb qui s’abat sur nous. Je refuse de me laisser éteindre. Je le vois même comme un geste politique, une résistance.»
Dans Faire l’amour, une pièce documentaire conçue avec sa vieille complice Anne-Marie Olivier et unanimement applaudie à Québec l’an dernier (elle est reprise à l’Espace libre à Montréal en novembre), le sexe est parfois triste mais la plupart du temps dominé par des sentiments puissants. Dans leur quête d’histoires vraies, auprès de leurs proches comme auprès d’inconnus ayant accepté de se dévoiler, elles ont eu beau chercher des «histoires de cul», elles n’ont récolté que des «histoires d’amour». Ce qui n’avait rien pour déplaire à la metteure en scène, convaincue que l’homme se nourrira toujours fondamentalement d’amour et d’eau fraîche, même si tout cela ne triomphe que rarement dans la vie collective.
Spectacle intimiste, Faire l’amour évoque tout de même en filigrane un portrait de société. C’est là l’autre objectif poursuivi par Véronique Côté: tenter de nommer ce que nous sommes comme peuple, en explorant la diversité des paroles et la poésie de la multitude. Si le récit spontané, ou la confession, est le moyen qu’elle a pris pour y parvenir en compagnie d’Anne-Marie Olivier, elle choisit plutôt d’emprunter les mots de poètes québécois dans le spectacle Attentat, qu’elle prépare pour décembre au Quat’Sous avec sa frangine Gabrielle. On y entendra, pêle-mêle, des textes de Marjolaine Beauchamp, Maxime Catellier, Kim Doré et Jean-Paul Daoust (entre autres), dans une célébration des mots et dans une certaine affirmation de la québécitude (en toute pluralité).
«Je ne suis pas spécialiste de poésie, dit-elle, mais j’en lis énormément et j’y prends un plaisir fou. La poésie est un genre littéraire plus actif que le roman, et j’ai le sentiment qu’on peut y lire ce que nous sommes de manière exacerbée. Je pense que la poésie raconte quelque chose des peuples, ou de la charpente des peuples; qu’elle parle de ce qu’on contient d’urgent, de ce qui bouille en nous.»
Il y a, dans cet amour du court texte poétique, un intérêt de la comédienne pour le fragment, pour l’histoire courte, pour les spectacles hachurés, construits par accumulations. Elle s’y plaît grâce au «pouvoir de l’imaginaire qui y est encouragé», et parce qu’on peut de cette manière «efficacement rejoindre le collectif par des voies intimes». Le spectacle Photosensibles, dirigé par Maxime Robin et présenté à Québec à Premier Acte du 21 octobre au 8 novembre, obéit aussi à sa manière à cette idée de l’enchevêtrement des récits. Véronique Côté a écrit l’un des textes, s’inspirant d’une célèbre photo de presse pour inventer une histoire et faire parler l’image.
Et comme une bonne nouvelle ne vient jamais seule, les éditions Atelier 10 (Nouveau Projet) annonçaient cette semaine que leur prochain livre, à paraître en novembre, est signé par Véronique Côté et «parle de poésie et de vie habitable».
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Photosensibles, du 21 octobre au 8 novembre à Premier Acte (Québec); Faire l’amour, du 19 au 29 novembre à l’Espace Libre (Montréal); Attentat, du 2 au 17 décembre au Quat’sous (Montréal)