Effets secondaires / Théâtre Périscope : Viagra pour le cœur
Oubliez le hasard des rencontres du monde réel ou du web. L’amour se commande et se programme dans la nouvelle pièce présentée au Périscope. Suffit d’ingérer un médicament.
Le texte a été écrit par Lucy Prebble, sorte de Lena Dunham du Royaume-Uni, une jeune auteure habituée au succès critique et public. C’est elle qui se cache derrière la télésérie Secret Diary of a Call Girl – il faut aller visionner l’extrait de l’épisode 8 sur YouTube, un bijou d’humour noir présentant une dominatrice sadomasochiste en panne d’inspiration – et la pièce Enron basée sur le scandale financier du même nom. Actuel, engagé, réaliste et presque documentaire, le théâtre de Prebble s’inspire du bulletin de nouvelles.
Le metteur en scène Michel Nadeau l’a découverte il y a deux ans, lors d’un voyage à Londres. «Je me suis retrouvé au National Theater du South Bank par pur hasard, mais il y avait un gros buzz autour d’elle. Après quoi j’ai contacté son agent pour obtenir les droits de la pièce.» Nul besoin d’écrire que The Effect (c’est le titre original) a dû être traduit pour l’occasion par Maxime Allen. C’est la première fois que la pièce sera présentée au Québec et, de surcroît, en français même si elle a eu le temps d’être traduite en allemand par le Ernst Deutsch Theater de Hambourg en avril dernier.
Le Prozac comme un plaster
Les antidépresseurs sont au cœur de cette pièce qui ne porte aucun jugement sur le choix de prendre ou non ledit médicament, mais qui dépeint un certain mal-être collectif. Les deux protagonistes, l’homme (Étienne Pilon) et la femme (Sylvie De Morais) qui tomberont amoureux, se sont portés volontaires dans une firme semblable à Anapharm pour tester un nouveau médicament. «J’ai fait beaucoup de recherche et j’ai découvert qu’il y avait eu 14 millions de prescriptions au Québec en 2012. Aussi, la dépression est la première cause d’absentéisme au travail dans les pays industrialisés.» Avec un système de santé comme le nôtre, force est d’admettre que la pilule du bonheur coûte moins cher qu’une séance chez le psy à 100$ l’heure. Mais ça, aucun politicien n’en parle, même au temps des campagnes électorales, mais pleuvent les campagnes de sensibilisation pour nous encourager à consulter pour vaincre le suicide!
En plus de chasser l’anxiété et le mal de vivre, le médoc miracle testé par le chercheur en chef (Jean-Sébastien Ouellette) et son assistante (Véronika Makdissi-Warren) ira jusqu’à provoquer la sécrétion de dopamine, la molécule de l’amour. «L’espérance de vie rallonge, mais les mariages ne rallongent pas. En même temps, est-ce que c’est éthique de provoquer l’amour? De le faire durer artificiellement? C’est ces questions-là qui sont posées par la pièce», explique Nadeau.
Rodée tout au long de l’été au Théâtre du Bic dans le bout de Rimouski, la version québécoise de The Effect s’interroge aussi sur la pression subie par tout un chacun en 2014. «Ma fille va au PEI, au secondaire, et elle a des amis qui prennent des antidépresseurs. Je n’invente rien en disant qu’on est de plus en plus stressé de plus en plus jeune, mais le problème est bien réel.»
Du 8 au 25 octobre Théâtre Périscope