Chorus II et Nobody likes a pixelated squid : Des hommes en noir et du hip hop renouvelé
Danse Danse offre sa scène à deux figures importantes de la relève en danse contemporaine à Montréal. Dans Chorus II, Sasha Kleinplatz offre une élégante et viscérale danse masculine. En première partie, Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund proposent leur fluide réinvention du breakdance dans Nobody likes a pixelated squid.
Sasha Kleinplatz en plein vol
Des hommes en complet. Beaux. Lisses. Apparemment sans failles. Chorus II pose d’abord un regard sur la masculinité et les attentes qu’on place sur elles – c’est une certaine masculinité anonyme dans la ville, que l’on suppose avalée par le monde du travail et par un quotidien corporatiste. Une masculinité qui correspond aux normes et aux exigences de la vie urbaine moderne, celles d’une vie professionnelle sans fausses notes qui exige une constante force de caractère. Les corps sont raides. Ils sont propres et bien mis, ils marchent droit. Du moins, au début.
La chorégraphie les montre d’abord évoluant selon des lignes pures, marchant dans l’espace vide, sous une lumière uniforme. On se croirait presque dans l’univers rigide de certaines pièces de Maguy Marin (notamment Umwelt). Puis les corps seront soumis à des déséquilibres discrets. Puis à des tournoiements et des chocs : une tension avec le sol ou avec les cieux, selon les cas. La droiture et les lignes parfaites, également représentées par les coupes fines des vestons, ne siend pas à ces hommes dont l’humanité – pulsionnelle et en quête de sacré – ne cherche qu’à s’exprimer, qu’à déborder des cadres, qu’à envahir l’espace.
C’est ainsi qu’on pourrait sommairement interpréter cette très belle chorégraphie : comme une danse d’hommes civilisés mais encarcanés, que le son d’un tambour ou l’effet hypnotique d’un bruit ondulant (musique interprétée en direct par Jamie Thompson) ramènent illico à leur tribalisme primitif et à leur besoin de transcendance. Les corps sont lancés vers les sommets puis retombent au sol dans un certain fracas, ou se heurtent contre la paroi grise d’un long muret. À travers ces chocs se ressentent le désir de sortir du rang, de retrouver une pulsion originelle ainsi qu’un goût pour le rassemblement: les corps se retrouveront souvent amoncelés, dans une fraternité et une tendresse touchantes. Et dans une certaine vulnérabilité, également.
Quand la danse s’arrondit, que les corps se courbent tout en paraissant violemment aspirés par une force aérienne, c’est l’appel de l’au-delà qui semble les happer : une quête de sacré et de spiritualité indéniable. Sasha Kleinplatz dit d’ailleurs s’inspirer pour cette pièce de la posture de son grand-père pendant la prière.
Si une certaine redondance rend ce spectacle un peu sentencieux dans ses derniers tableaux, on lui pardonne facilement ce petit excès. Car voilà une pièce soignée, une danse qui flirte avec la pulsion et avec la vulnérabilité de manière hautement sophistiquée.
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Hip hop renouvelé avec Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund
En première partie, dans une pièce plus courte mais non moins marquante, Emmanuelle Lê Phan et Elon Höglund (Tentacle tribe) offrent leur savante réinvention d’un maelstrom de danses urbaines, qui emprunte autant au breakdance qu’à certains arts martiaux. Tout en s’inspirant du caractère déstructuré et saccadé des danses urbaines, les virtuoses danseurs créent une chorégraphie étonnamment ronde, dans laquelle les corps glissent les uns sous les autres avec une fluidité quasi-aquatique. Résultat: une danse indescriptible, qui allie continuité et déconstruction dans une poésie paradoxale. C’est aussi une danse se déployant en profonde symbiose avec la musique, évoluant naturellement entre les notes et les points de rupture d’une partition musicale très texturée.
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Ce programme double est à l’affiche de la 5e salle de la Place des Arts jusqu’au 25 octobre 2014
Une présentation Danse Danse
Avec un nom pareille, ils doivent aimer le dessin animé japonais!