Oh Lord : De Dolly à Ovila
Scène

Oh Lord : De Dolly à Ovila

Sonia Cordeau, Raphaëlle Lalande et Simon Lacroix récidivent avec une seconde production du Projet Bocal, Oh Lord, explorant cette fois-ci nos racines musicales, nos traditions orales, l’histoire américaine et québécoise, avec une douce folie et une dérision qui forcent un retour sur soi-même.

Lundi soir, les trois acteurs, accompagnés d’Yves Morin à la musique, au chant et à l’interprétation, nous ont offert Oh Lord, un spectacle hybride composé d’une série de saynètes et de courtes histoires qui s’entrelaçaient, devenant des moments d’humour et des pièces musicales disjonctées, créant une fresque contemporaine qui revisitait notre folklore, notre histoire et les clichés qui en découlent, tout en suscitant une réflexion sur ce qu’il en reste, aujourd’hui. D’une séance d’ornithologie confuse, à la création de la vie par la reine Kenora, en passant par le Lonesome Cowboy qui fait du country slam, le trio jetait les bases, dès le départ, de ce qui constituerait un joyeux mélange historico-musical-comique.

Le tout s’est poursuivi avec un duel de ukulélé et mandoline, magnifiquement accompagné des voix de Raphaëlle Lalande et Sonia Cordeau, chantant en duo leur réinterprétation de Jolene de Dolly Parton. La belle Dolly reviendra à maintes reprises, tant dans le texte qu’en personne, sur scène, au gré de l’imagination d’une barmaid triste. Et les filles chantent bien, tout comme leurs acolytes masculins, qui ont tous conclu la soirée avec une superbe chorale qui nous arrivait directement des terres du sud des États-Unis, dans le style O Brother Where Art Thou?.

En plus d’un retour à la création de la vie, de l’américanité musicale ou du mode de vie de nos ancêtres, Projet Bocal se penche avec humour sur les relations tendues entre “indiens” et “cowboys”, et vient chercher les instincts qui nous survivront. La nature, le bois, les animaux, tout y est pour nous rappeler nos instincts de chasseurs-cueilleurs ou encore de coureurs des bois. Puis vinrent les premiers fermiers et les piètres conditions de vie dans lesquelles leurs familles vivaient. On se serait passé de la saynète de Pauline Labrosse qui “mange de la marde” et qui entonne un discours sur Facebook et ses ramifications qui tombe à plat, mais la reconstitution percussive des Filles de Caleb vaut à elle seule le déplacement, tant elle est rendue avec émotion et un sarcasme bien tourné.

On s’amuse ferme aussi pendant la reconstitution approximative d’une bataille des Patriotes, où, apparemment, la langue française aurait triomphé et l’Angleterre battue, en même temps que la loi 101 fut créée. Encore là, la folie contagieuse du trio jumelé à Yves Morin vient poursuivre la réflexion sur notre connaissance de l’Histoire.

Si on souhaite parfois voir l’équipe du Projet Bocal creuser un peu plus ses idées, plutôt que de rester dans le feu roulant de sketchs, il faut rendre justice à César: les répliques frappent et viennent tirer les clichés du nez des spectateurs. Au prochain tour, y voir une réflexion achevée ou du moins, sans trop d’équivoque, serait de mise, mais toujours entourée des mêmes répliques acerbes et des voix sensibles des compagnons qui poussent la chansonnette avec délicatesse et aplomb.

À La Petite Licorne jusqu’au 3 décembre, du lundi au vendredi. Deux supplémentaires ont déjà été ajoutées à la programmation (les 2 et 3 décembre) qui affiche pratiquement complet tous les soirs.