Cristina Moscini / Burlestacular : Ne cachez pas ce sein
Que les yeux chastes détournent le regard, et que les oreilles fassent de même: c’est qu’avec la troupe Burlestacular, non seulement il y a bien de la peau à l’air, mais elle vient avec un discours. Parole de féministe en paillettes.
Quand on parle de burlesque, on risque d’entendre des mots comme «show de fesses» ou «tsé le truc vintage, là». Pour Cristina Moscini, fondatrice de la troupe, alias Bambi Balboa, ça se résume simplement et avec beaucoup de classe: «C’est un spectacle mettant en scène une femme qui fait un effeuillage». Mais ce n’est pas que ça.
Avec le nouveau spectacle Bêtes de scène, qui tiendra l’affiche un seul soir à l’Impérial, Burlestacular s’intéresse à la soif de gloire qui nous tenaille tous, dans une mise en scène élaborée qui va plus loin que «les plumes dans le derrière». «Ça fait quatre ans que la troupe existe et, pour ce show-là, on a vraiment une trame narrative théâtrale. Il y a toute une histoire qui s’exprime à travers le burlesque. L’effeuillage n’est pas le but, seulement le moyen», explique Cristina/Bambi.
Adolescente, l’héroïne du spectacle découvre les Folies Bergères. Bêtes de scène sera le récit de sa vie à la recherche de la célébrité, pinacle et déchéance inclus. «Je cherche à comprendre pourquoi nous désirons tant la reconnaissance. Il y aura une gradation dans le spectacle, à l’image de l’héroïne qui en veut toujours plus.» Les numéros se succéderont dans des styles différents, afin d’illustrer chaque étape du show-business tout en mettant en valeur une danseuse burlesque différente: un numéro s’inspire de la comédie musicale gipsy avec de vraies showgirls, un autre imite Broadway pour le côté star au sommet, un autre emprunte à la danse contemporaine.
«Je voulais explorer en burlesque ce que c’est que de ne plus être la saveur du mois», poursuit Cristina. «Le burlesque est un art exubérant, qui dit "regardez-moi!". Ça va de pair avec le questionnement "pourquoi veut-on tant être connu?". La nudité d’un effeuillage prend alors un autre sens: c’est vraiment une mise à nu.» Parlant de nu… certains se demandent si c’est ça, l’attrait d’un spectacle comme Burlestacular. «Tellement pas! On ne vient pas voir du burlesque pour les totons. De toute façon, aujourd’hui, on met des femmes seins nus pour annoncer du jus d’orange… OK, j’exagère un peu. Mais des seins, on en voit partout. D’ailleurs, notre public est majoritairement féminin, il vient encourager les danseuses, c’est une sorte de girl power!»
Bien sûr, le mot féminisme n’est pas très loin. «C’est sûr que c’est féministe, je n’ai même pas à me poser la question!» s’exclame Cristina. «On n’est l’instrument de personne. Quand je donne des cours, les filles viennent pour elles, pas pour leur chum. C’est quelque chose d’extrêmement valorisant. Dans le burlesque, on montre tous les corps. On les célèbre. Tant que t’as le menton haut, tu peux monter sur scène. C’est une question de confiance en soi. Les filles de la troupe sont un échantillon parfait de cette pluralité des corps. Ça s’adonne qu’elles sont belles, mais ça, j’y peux rien!»
Par contre, la fondatrice de la troupe lance un avertissement: «Oui, on montre des corps, mais y’a autre chose autour de ça! C’est du divertissement, mais ce n’est pas vain. Si l’argument de vente, c’est juste "on montre de la peau", c’est encore vide et superficiel. On va au-delà de ça. Se mettre nu sur une scène, c’est une prise de parole. Pour assurer une longévité à la troupe, il faut donner un propos au spectacle. Le burlesque n’est pas le propos, c’est un véhicule. Sinon, ça revient à du déshabillage.»
Exemple parfait d’un propos qui passe par des pasties (pastilles servant à cacher les mamelons): dans son spectacle précédent, Burlestacular déshabille la Québécoise, la troupe de Bambi Balboa a fait renaître sur scène des femmes marquantes de l’histoire du Québec. Un numéro sur le vote référendaire a fait jaser. «La danseuse se déshabillait à coup de vêtements rouges et bleus pendant que le public essayait de deviner son allégeance politique… mais elle finissait nu-fesses pareil!»
Pour Cristina Moscini, le burlesque représente le rire, l’amour et le rêve, sans aucune quétainerie. Avec lui, on peut divertir sans s’abrutir, regarder des corps que l’on célèbre au lieu de les consommer. Burlestacular est une troupe autofinancée, autoproduite et totalement indépendante, et sa démarche est tout ce qu’il y a de plus sérieux. «Ce n’est pas parce que c’est exubérant que c’est vide de sens. Ce n’est pas parce que tu as des brillants plein le cul que c’est pas sérieux… Bon, j’ai dit le mot cul!»
Bêtes de scène: Samedi 15 novembre à 21h, Impérial de Québec
Juste une question toute bête: pourquoi le sein devrait-il être caché?
(la question vaut aussi pour la vulve, le pénis, les fesses).
Pourquoi alors ne pas cacher les cheveux?
Ah oui, c’est vrai, il y en a qui disent que les cheveux doivent être cachés, c’est indécent d’être tête nue, c’est provocant, ça doit être réservé à l’intimité.
Foin de cette morale à deux balles! Le corps c’est nous, on n’a pas à en faire un objet de honte.