The Book of Mormon : Le néo-colonialisme hilare du prosélytisme mormon
Scène

The Book of Mormon : Le néo-colonialisme hilare du prosélytisme mormon

Les Mormons issus de Salt Lake City ont inspiré cette comédie musicale hilarante et efficace du duo créatif derrière South Park. 

The Book of Mormon place les coreligionnaires Elder Price et Elder Cunningham au cœur de l’Ouganda dans une mission prosélyte propre aux mormons. Le premier (interprété par Gavin Creel) est un beau garçon, grand, droit, ambitieux, le favori des nouvelles recrues chez les Mormons. Le second (Christopher John O’Neill) est plus petit, dodu, mythomane, sous-estimé même par ses parents. Le hasard les unira dans une aventure africaine imprévisible sortie tout droit de l’imagination déjantée et originale de Trey Parker et Matt Stone, les co-créateurs de la désormais mythique série South Park.

Le succès de cette aventure religieuse moderne et musicale n’est plus à prouver. À sa seule sortie en 2011, tandis que les deux scénaristes prenaient une légère pause de South Park, leur première comédie musicale leur aura valu neuf prix Tony, dont meilleure comédie musicale, la récompense de référence dans l’industrie.

Il s’agit, en effet, d’une production impeccable, réglée au quart de tour, présentant des comédiens capables d’enchaîner chorégraphies complexes et dialogues humoristiques, changements scéniques et alternances de costumes avec une aise trahissant gracieusement un niveau impressionnant de préparation et d’expérience.

Et si la technique est impressionnante, rendant le rythme musical aussi divertissant qu’amusant, le scénario l’est tout autant. La naïveté coloniale des jeunes recrues des Mormons, qui suppriment habilement leurs doutes et leurs dilemmes moraux, les ambitions égoïstes d’Elder Price qui rêve d’Orlando, le désir de plaire à tout prix d’Elder Cunningham, l’hygiène douteuse du docteur du village ougandais, le tout s’enchaîne avec une remarquable rapidité. Les blagues cocasses s’inscrivent naturellement dans la trame narrative d’un récit comique et efficace, qui cache lui aussi une critique sociale plus grande. Comme un plaisir aux couches multiples.

Car il y a bien critique d’un certain racisme inhérent au mouvement original des Mormons, qui considère la peau noire comme une malédiction. On se moque également de la sacralisation des États-Unis, et le caractère loufoque de certains passages du texte religieux sera brillamment parodié par l’imagination coquine et geek du jeune Elder Cunningman, prêt à tout pour protéger le village qui l’a accueilli d’une force externe malveillante. Il fera tout pour protéger une villageoise (Alexandra Ncube) qui rêve soudainement du paradis sur Terre que représente Salt Lake City, en plein cœur de l’Utah.

Il s’agit d’une pièce amusante et divertissante, comme on peut se l’imaginer de la part de ce duo créatif apparemment inépuisable. Que ce soit la version scatologique du Livre des Mormons sorti de l’imagination de Cunningham et interprété par un village ougandais, ou le rêve infernal mettant en scène le diable avec une guitare électrique, l’apparition d’Hitler en costume de latex ou celle de Jeffrey Dahmer, ou encore les chorégraphies récurrentes des jeunes mormons qui répriment souvenirs d’enfance et homosexualité latente, les différents moments s’enchaînent dans l’hilarité et le plaisir de voir une telle histoire critique racontée avec un tel brio, dans un contexte si festif. Un vrai plaisir.

Ceci dit, il ne s’agit pas nécessairement d’un chef d’oeuvre grandiose. La réception critique, et la myriade de prix, indique peut-être que l’industrie de la comédie musicale est en crise ou en manque d’inspiration, si son sauveur ressemble à cette pièce amusante. 

Note de la production: Les 8 représentations (jusqu’au 7 décembre) seront données à guichets fermés…  Toutefois,  la production procédera à une loterie de bons sièges à 25$ (quantité limitée), avant chaque représentation à la billetterie de la Place des Arts. Pour y participer, les personnes doivent se présenter à la billetterie de la Place des Arts, deux heures et demie avant le début de chaque représentation et remplir le bulletin de participation qui leur sera remis en spécifiant le nombre de billets (1 ou 2) qu’elles souhaitent acheter. Deux heures avant le lever du rideau, les noms des personnes sélectionnées au hasard qui pourront acheter le ou les billets à 25$ chacun seront annoncés.    

À la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts jusqu’au 7 décembre / Une présentation d’evenko