Méphisto Méliès / Théâtre Périscope : Un freak show poétique pour Georges
Scène

Méphisto Méliès / Théâtre Périscope : Un freak show poétique pour Georges

Homme tronc, sœurs siamoises, diablotins et lune aux traits humains. L’univers occulte et éclaté de Méliès s’allie à celui des foires de la Belle Époque pour une coproduction pluridisciplinaire en tons de sépia.

Les citations visuelles sont partout, les pastiches omniprésentes 113 ans plus tard. Le Voyage dans la Lune est un standard immortel. « C’était un grand succès aussi à l’époque. Ç’a été copié, copié et encore copié. Avec A Trip to Mars, entre autres, qui a été fait par Thomas Edison huit ans plus tard. […] Méliès était contre les copies, c’était terrible le plagiat à l’époque mais lui aussi en était coupable sauf qu’il s’en gardait bien de le dire. Y’a d’ailleurs quelques clin d’œil là-dessus dans le spectacle. »

Mais ce qui fascine vraiment Hélène Ducharme, auteure et co-metteure en scène de Méphisto Méliès, c’est l’empreinte indélébile du pionnier sur le monde cinématographique d’aujourd’hui et d’hier. « Ils n’avaient rien, ils n’avaient qu’une idée. Ils devaient bâtir l’équipement, développer une façon de travailler, une structure. Ils faisaient tout. Maintenant, on est encore basé sur ces techniques-là pour faire des films comme Avatar de James Cameron et même si la post-production par ordinateur existe. »

Étudié aussi chez les historiens de l’art, le travail de Méliès transcende les barrières du 7e art. Des extraits de films seront d’ailleurs mis en contexte pendant la pièce même s’ils n’occupent pas une place prépondérante, idem pour la biographie de Méliès. « Pour ma trame dramaturgique, je suis partie du théâtre d’un homme tronc de l’époque, Nikolaï Kobelkoff qui a vraiment existé. Il a eu onze enfants, il a tourné à travers la France. J’ai lu sur lui beaucoup et c’était fascinant.  »

C’est entre ces rideaux qu’auraient été présentés les premières vues animées de Méliès. Et c’est pour ça que l’auteure s’est amusée à imaginer une amitié –  mixée à une connivence en affaires – entre les deux hommes même si rien n’a été écrit à ce sujet.

 

Théâtre DIY

Parce que Georges (appelons-le par son petit nom) était plein de ressources au rayon du bricolage, les créateurs du spectacle ont tenu à rendre hommage à sa débrouillardise hors normes et sans borne comme l’explique Mme Ducharme. « C’est très artisanal même si ç’a l’air d’une installation. L’idée, c’était de rester près du «fabriqué maison » […] On voulait surtout pas que le spectacle soit pris dans une facture visuelle moderne et actuelle. » D’ailleurs, la couleur s’installe progressivement sur les vêtements et les décors au fur et à mesure que la pièce avance. Une touche subtile mais qui prend tout son sens.

Parmi l’équipe de concepteurs : Martin Genest (idéateur), Marie-Renée Bourget Harvey (scénographe), Thomas Godefroid (éclairages), Sébastien Dionne (costumes), Jean-Pierre Lambert (musique), Philippe Beau (illusions), Marcelle Hudon (ombres). Une équipe divisée sur les deux bords de la 20 qui s’est réunie pour un blitz de création de 250 heures.

Le marionnettiste Pierre Robitaille en fait aussi partie. C’est lui qui cosigne la mise en scène en plus d’avoir tout un contrat : celui de redonner vie à cet homme qu’on appelait autrefois le torse vivant. Un type qui avait réussi à tirer partie de son lourd handicap en le monétisant. « Contrairement à ce qu’on pourrait penser, ce n’est pas si évident de créer un homme tronc qui soit crédible. Ça prend une certaine souplesse, ce n’est pas une masse de chair inerte. »

 

Ce qu’on a oublié

La biographie de Méliès est une mine d’anecdote croustillantes, de ce que les adminstrateurs de l’Internet Movie Database (archi fréquenté IMDB) classent dans la section « trivia ».

Porté aux nues puis jeté à la poubelle par l’industrie qu’il a aidé à bâtir, le Parisien a bien failli mourir dans l’anonymat le plus total comme nous le raconte Hélène Ducharme. « Le fondateur de la cinémathèque française Henri Langlois a voulu le sortir de l’oubli et de l’ombre. Il a organisé un congrès sur Méliès, je crois que c’est en 1933, et à partir de là Méliès a été applaudi. On lui a remis une médaille d’honneur et on l’a sorti de la gare Montparnasse où il vendait des jouets. On l’a installé dans un espèce de Chez nous des artistes. Quoi que ce n’était pas vraiment mieux. » Pour illustrer l’ascension puis la chute de l’icône,  Méphisto Méliès se sépare en deux actes distincts : l’avant et l’après Première Guerre mondiale.

Et au fait, d’où vient ce titre? Pierre Robitaille explique : « Méphistophélès était un personnage de Méliès, un diable qu’on voyait souvent dans ses films. Lui-même se présentait comme Méphisto-Méliès à la blague et se représentait comme tel dans des photos ou des dessins. » Un genre de mythe qu’il avait créé lui-même autour de sa personne et qui continue d’inspirer ses héritiers près d’un siècle après sa mort.

 

Du 13 au 31 janvier

Théâtre Périscope