Korine Coté : Au-delà de son show
Scène

Korine Coté : Au-delà de son show

On assistait hier à la première médiatique de Mon Show de Korine Coté au Théâtre Corona, à mi-chemin entre le spectacle d’humour et le plan de carrière. 

Si la tendance se maintient, les prochaines années seront particulièrement rentables et actives pour Korine Coté, qui présente son premier one-woman show dans une forme efficace, autant dans la livraison rythmée de punchs consécutifs que dans une présence scénique maitrisée et confiante.

Elle fait rire

En humour, souvent, le premier indicatif du succès d’une soirée est une preuve sonore: le rire. Hier, les esclaffements enthousiastes et ravis de spectateurs attendris rendaient hommage au charme efficace de la jeune humoriste. Ses gags, qu’ils soient des exagérations humoristiques des Anges de la rénovation, de la rencontre avec un ostéopathe maladroit, d’une semaine désagréable dans le Sud ou de son expérience à la fois mémorable et regrettable en avion, où les testicules d’un passager se sont logées sur son genou pendant quatre longues secondes, rentrent tous au poste, comme on dit. Le résultat d’une écriture efficace et intelligente liée à une profonde connaissance d’un public cible.

Car le tout reste effectivement très pop. On y va de gags du genre « On est dont bin tannantes les filles! » à des commentaires sur des gros bouchons de bière, les émissions de cuisine, les Tim Hortons, les systèmes d’alarme et les bed and breakfast. De l’humour d’observation, donc, qui se concentre sur les détails minutieux d’expériences universelles (au Québec, disons) pour se rapprocher d’un public mais s’éloigner de tout potentiel malaise, questionnement, remise en question, indignation ou affirmation sociale.

Pourquoi faire rire?

Je me demande pourquoi on devient humoriste, dans la vie. Et plus particulièrement au Québec. Ici, en fait, il s’agit d’une des seules activités culturelles rentables. Dès que cette grande vérité fut établie, l’Industrie est venue standardiser l’expérience humoristique: des numéros de cinq minutes, aux En Route vers mon premier gala, en passant par l’École de l’humour et les premières au Saint-Denis. La route de l’humoriste à succès est déjà établie, et des centaines de jeunes aspirants partent en pélerinage professionel pour emprunter la route de leurs riches prédécesseurs.

Mais en même temps, c’est tellement de travail. Au delà de l’écriture, des ré-écritures, des rapports avec les scripteurs, des mises en scène presque débiles de mouvements calculés avec des metteurs en scène soucieux de chaque mouvement de doigt, au delà des stress en loge, des bafouillements sur scène, des commentaires idiots d’admirateurs et de détracteurs, Korine Coté emprunte une route déjà pavée qui l’obligera à serrer la main de producteurs qui la dégoûtent, à participer à des brainstorms débiles pour des pubs rentables, à faire de la route et prétendre apprécier le commentaire élogieux d’une mamie qui sort trop peu à Amos, à se réveiller pour faire de la radio matinale avec trois autres comiques ou à être invitée à faire rire à Salut Bonjour.

Et c’est là que je me demande pourquoi elle fait ça. Oui, elle en est visiblement capable. Ses talents de comédienne dévoilent des capacités de livraison absolument impeccables. Son charme naturel de jeune femme un peu névrosée et imaginative qui parle fièrement de ses petits seins charme naturellement et immédiatement, le public. Mais que veut-elle dire? J’ai entr’aperçu un être humain fragile, qui appelle sa mère pour déterminer le moment adéquat pour allumer le chauffage. On décèle aussi cette vulnérabilité lorsqu’elle avoue ne jamais pleurer dans la vie (à part pour les Anges de la réno), mais mis à part quelques bribes d’humanité, j’ai surtout perçu une performance efficace dénuée de risque et privée de ces questionnements et de ces grands thèmes qui séparent les comiques des humoristes et les humoristes des philosophes sur scène.

Et ce n’est pas tout le monde qui demande à avoir cette lourdeur, cette profondeur, cette vulnérabilité: dans l’intimité des discussions amicales après le spectacle, le consensus était évident: elle avait rocké, solide. Et c’est vrai.

Mais je me demande quand même: finira-t-elle un jour par se dévoiler, ou pauffinera-t-elle le personnage parfaitement mécanisé d’une humoriste sua coche capable de respecter les codes premiers d’une Industrie rentable, mais ne divaguant jamais dans les eaux troubles de son coeur, son âme et sa personne?

Entre amis, on se demandait, pourquoi on va voir des spectacles? Pour m’évader, pour apprendre, pour avoir un orgasme artistique, pour la bière gratuite, disait-on. Bref, l’objectif est clairement atteint, dépendant des raisons pour lesquelles les spectateurs se rendent à son spectacle.

Mais pourquoi le fait-elle, elle, au fond de son coeur? Et cette raison, profonde, fondamentale, hier, je ne pouvais pas la trouver.

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