Traverser la Main: pour en finir avec les deux solitudes
Scène

Traverser la Main: pour en finir avec les deux solitudes

À Montréal, d’un bout à l’autre de la Main, les deux solitudes se rapprochent parfois mais le fossé culturel demeure. Désirant questionner les relations entre les francophones et les anglophones, Elisabeth Couture et Gail Schwartz proposent un spectacle tissé de récits montréalais, tirant profit de la méthode Playback. Explications.

«Le fossé entre les communautés anglophones et francophones m’est toujours apparu énorme». Ce sont les paroles d’Elisabeth Couture, chargée de cours au programme Théâtre et Développement à l’Université Concordia et codirectrice de la compagnie Promito-Playback. «Même si l’on voit aujourd’hui quelques croisements dans le Mile End, la plupart des anglophones ignorent tout de ce qui se passe à l’est de St-Laurent, et inversement pour les francos. Le théâtre playback, un genre théâtral américain qui est construit d’improvisations et de dialogue avec le public, nous  a semblé être un moyen idéal pour créer des rapprochements, questionner cette situation.»

Apparu à New York dans les années 1970 et pratiqué partout en Occident, le Playback est un spectacle de théâtre pendant lequel un dialogue est ouvert avec le public. Les acteurs sont entraînés pour intervenir dans ces dialogues par le biais d’improvisations qui servent à mettre en relief et à métaphoriser les récits racontés par les spectateurs et leurs interventions. «Ça se fait à travers un rituel, explique Elisabeth Couture, une procédure bien précise, avec des accessoires et de la musique live. C’est une pratique de théâtre d’intervention, mais qui est bien différente du théâtre forum (auquel on associe beaucoup le théâtre d’intervention). C’est une forme très raffinée, très ritualisée. Le playback est souvent utilisé dans de situations de trauma, après une catastrophe naturelle par exemple, mais aussi plus simplement dans les milieux communautaires ou en milieu de travail, pour aider la communication entre les équipes. Mais, malgré les connaissances psychosociales que le genre exige, le but est que soit créé au final un spectacle : c’est avant tout une forme dramatique.»

Déjà deux représentations du projet Traverser la Main ont eu lieu, la première réunissant des anglophones et allophones, la deuxième réservée à un public francophone. Reste l’étape ultime, une soirée bilingue où se croiseront les deux groupes linguistiques.

«On a constaté, poursuit Elisabeth Couture, que les gens ont envie de parler de ça. On a pu notamment constater des sensibilités chez les allophones, qui se sentent souvent jugés par leur accent lorsqu’ils parlent français, ou un sentiment d’isolement de la part des unilingues anglophones. Chez les francophones, le recours à des anecdotes des années 60 et 70 a été récurrent, du moins on a senti un désir de raconter les luttes francophones sur notre territoire. On fait aussi un constat important: la nouvelle génération vit son rapport au bilinguisme d’une manière totalement neuve, moins complexée, peut-être même désinvolte, mais surtout dans un désir de conciliation, de dialogue. Les plus vieux, comme moi, ont certainement à apprendre de cette ouverture, mais notre projet permet aussi, je pense, aux nouvelles générations  de mieux saisir les enjeux historiques et de comprendre en quoi les communautés anglo et franco continuent d’être distinctes.  Ça me donne envie, en tout cas, à une échelle personnelle, d’être plus optimiste par rapport à un avenir harmonieux entre les deux solitudes.»

Promito Playback invite après chaque représentation le public à manger, pour permettre aux spectateurs et aux comédiens de méditer sur leurs impressions, leurs émotions sur les moyens par lesquels il sera possible de poursuivre le dialogue dans l’avenir.

Représentation bilingue :
Au Théâtre MainLine, 3997 Boulevard Saint-Laurent
Jeudi 5 février à 20h